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J'ouvre la page comme un drap
et je me glisse au long des lignes jusqu'à
la pliure. Je m'étends et détends
au fil des murmures, des respirations, des caresses.
Les yeux s'ouvrent dans les caractères,
des lèvres passent dans les phrases, un
duvet d'accents, de points, d'apostrophes frémit
sur les répliques et paragraphes. Rousseurs
et blondeurs illustrent noirceurs, commentent
silences et halètements. Rabattant couvertures
et fourrures, je hume la peau du discours, la
langue et les dents, les cheveux et les signatures.
Empreintes, traces et parfums ; duos et concerts,
grands arias de mains ou de jambages. Blues de
poitrines, tangos de gorges, fugues et profils
de sourcils et nombrils ; rosées d'ombres,
liqueurs de nuit, il faudra bien s'arracher à
tout cela, replier, refermer, se séparer,
partir dans la solitude ou la foule, par les rues
et les routes ; mais le sommeil de la lecture
nous accompagne à chaque pas et les réverbérations
de l'amour illuminent tous nos ennuis.
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