Little Samuel à Tahiti
Nouvelle

  • Rédaction
    [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° 576 du 23 novembre 1939 ; p. 6.







    Little Samuel à Tahiti, 1939.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In Les plus belles histoires de mer de Blaise Cendrars [et al.] recueillies par Marcel Berger.
    Achevé d'imprimer : 20 octobre 1940.
    Paris, Emile-Paul Frères ; 18,5 x 12 cm, 283 pages.
    Little Samuel à Tahniti occupe les pages 243 à 260 et est signalé par l'éditeur comme un texte inédit.


      Les plus belles histoires de mer, 1940.
    Edition originale.


  • Réédition(s) en français
    Liste non exhaustive

    Tirage numéroté :
    In Les plus belles histoires de mer de Blaise Cendrars [et al.] recueillies par Marcel Berger.
    Achevé d'imprimer : 18 décembre 1951.
    Paris, SEGEP ; 19 x 14 cm, 249 pages ; jaquette illsutrée en couleurs.
    Little Samuel à Tahniti occupe les pages 213 à 228. L'éditeur signale le texte comme inédit, ce qui — bien sûr — n'est pas le cas.
    Tirage de tête : 20 exemplaires hors commerce sur papier pur fil Lafuma numérotés en chiffres romains de I à XXX et 100 exemplaires sur alfa mousse des papeteries de Navarre numérotés de 1 à 100.


     

    Les plus belles histoires de mer, 1951.
    Réédition.



  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome XXV.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 22 (Nouvelles introuvables, 1936-1941).
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 22.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Intrigue
    Le Sésostris — l'un des plus beaux et plus modernes yachts du monde — appartient à un milliardaire américain, M. Samuel, dit Little Samuel en raison de sa petite taille. On prétend volontiers que la construction de ce splendide bateau blanc et climatisé a coûté un million de dollars.

    De la timonerie jusqu'aux machines, en passant par les cuisines, quarante hommes parmi les plus habiles de leur spécialité — choisis pour leur taille, leur vigueur et leur sobriété — sont à leur poste. Le commandant, un Hollandais nommé Oosting, n'est pas seulement un capitaine au long cours, mais un professeur à l'Ecole Navale.

    C'est la première croisière du Sésostris : le bateau vient de l'Hudson par le canal de Panama. Little Samuel n'ayant pas voulu faire ce tour, l'équipage est allé le prendre à San Francisco. Depuis un quart d'heure, Tahiti (Polynésie française) est en vue. A cause de la tempête — la saison des pluies est pourtant terminée depuis deux semaines et la station météorologique annonce l'arrivée imminente du soleil — on ne voit que du gris et du liquide ; dans la purée de nuages, l'île apparaît vaguement comme un pain de sucre grisâtre.

    Durant le voyage, Little Samuel n'a que rarement quitté sa cabine. Il s'y tient à journée faite, avec ses deux convives, Slaatkovitch et Schoofs, des camarades d'école qu'il avait complètement perdu de vue et qu'il a invité en Amérique pour participer à cette croisière. Dans la fumée des pipes et des cigares, les trois hommes (ils ont tous passé soixante ans) jouent au vingt-et-un.

    Little Samuel vit à New York ; c'est le plus grand fabriquant de chemises du monde. Un jour, par hasard, il entend parler de Big Samuel. Celui-ci habite Hollywood et ne s'occupe que de cinéma. Bien que les deux hommes ne se soient jamais rencontrés, Little Samuel a découvert qu'ils étaient presque du même village, là-bas, en Europe centrale, et sans doute petits-cousins. Dès ce moment, Little Samuel se préoccupe des faits et gestes de Big Samuel. C'est parce que celui-ci a acheté un yacht qu'il en fait construire un ; c'est parce que celui-ci a entrepris une croisière aux Antilles qu'il a décidé d'en faire une à Tahiti.

    En raison du temps, Little Samuel refuse d'entrer dans le lagon, qui ressemble véritablement à une mare d'eau sale au pied d'une montagne sinistre. Il donne l'ordre à Oosting de jeter l'ancre. Sur l'île, on observe avec curiosité et impatience ce yacht laiteux et détrempé avec lequel il y aurait tant de bonnes affaires à conclure…

    Soudain, un matin, on trouve le ciel lavé et d'une pureté irréelle, la mer plate et bleue. Le Sésostris entreprend des manœuvres pour se ranger à quai, mais Little Samuel remet son capitaine à l'ordre : pas question de mouiller l'ancre au milieu du lagon. D'ailleurs, Little Samuel veut rentrer immédiatement chez lui, en Amérique. Oosting objecte que ce n'est pas possible : il doit ravitailler le yacht en eau et pour cela, il faut soit amarrer, soit attendre le bateau-citerne, qui ne viendra pas avant demain matin. Little Samuel décide d'attendre. Pour ne pas se rendre dans l'île, il décline une invitation du chef de cabinet du gouverneur à dîner au palais du gouvernement et se fait annoncer malade.

    Le lendemain, le temps est encore plus clair, plus lavé. Le bateau-citerne est amarré au Sésostris et la pompe fonctionne. Avec ses jumelles, Little Samuel aperçoit des pêcheurs et veut aller les voir. Au moment d'embarqué sur le pont bien briqué de la vedette, Little Samuel met le pied sur une petite masse grise, une sorte de limace de mer. Il glisse et tombe sur les coraux au fond de l'eau. On le retire en riant. Il grimace de colère et de douleur. Sa jambe saigne, le tibia est cassé et le genou déchiré. L'eau du lagon n'est qu'une pourriture capable d'infecter la moindre plaie.

    Little Samuel est conduit à la clinique du docteur Patin sur une civière. On discute longuement pour savoir s'il faut couper ou non la jambe. On se résout à le faire quand il est temps de couper le cuisse et, le surlendemain, le milliardaire meurt tandis que son yacht balance toujours au milieu du lagon.

    On câble à New York et les hommes d'affaires du défunt répondent : Prière d'attendre. Faisons nécessaire. Slaatkovitch et Schoofs prennent le premier paquebot en partance pour San Francisco et les autorités maritimes font ancrer le Sésostris au fond de la baie. Quant au corps de Little Samuel, il est placé dans un cercueil de plomb en vue d'une éventuel rapatriement, lui-même déposé à bord du yacht, dans la cabine où le milliardaire jouait aux cartes avec ses amis.

    La succession de Little Samuel s'annonce longue et compliquée. En Europe centrale, on ne découvre pas moins de dix cousins, tous germains, qui empruntent de l'argent pour aller défendre leur droits à New York. Aucun d'eux n'a entendu parler du Sésostris.

    Rapidement, le yacht devient un lieu sûr pour aller faire la bombe la nuit sans que la police s'en mêle. Oosting est le premier membre de l'équipage à rentrer chez lui, parce que sa femme va accoucher. D'autres matelots suivront, d'autres resteront à Tahiti.

    Les indigènes — comme les Blancs — prennent l'habitude d'aller se servir à bord du yacht quand ils ont besoin de quelque chose. Un an après la mort de Little Samuel, un câble de New York annonce : Prière mettre Sésostris en vente. Lettre suit… Non seulement, il faudrait un acquéreur, mais aussi que le yacht puisse encore naviguer par ces propres moyens !

    Aujourd'hui encore, sans doute le voit toujours dans la baie. Il n'y a pas de raisons que le cercueil de plomb ne soit plus à sa place, car le procès est loin d'être fini entre les héritiers qui se sont tous endettés pour payer la procédure. Le docteur Patin, lui, est devenu — Dieu sait comment — propriétaire de la vedette du Sésostris, mais il se plaint qu'elle lui coûte trop cher en essence.

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