Madame Quatre et ses enfants
Nouvelle

  • Rédaction
    Hôtel Les Roches Noires, Les Sables-d'Olonne (Vendée, France), en janvier 1945.


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Aucune [ ? ].


  • Edition originale
    In Maigret et les petits cochons sans queue (Paris, Presses de la Cité, 1950).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome XXV.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 4.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 4.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Adaptation(s) pour la télévision
    Liste non exhaustive

    Madame Quatre et ses enfants, téléfilm français de Philippe Berenger.
    Scénario et dialogues : [ ? ].
    Avec : Bruno Crémer (Maigret), Mariane Basler, Claude Duparfait, Sacha Briquet, Hélène Bahu, Delphine Zentour, Christian Morin…
    Première diffusion : [ ?], le [ ? ] 1998.
    [Série des téléfilms Maigret/Bruno Crémer ; 29].


  • Remarque(s)
    Madame Quatre et ses enfants est une nouvelle dans laquelle n'apparaît pas le commissaire Maigret. Pour le téléfilm du même nom, elle a été adaptée de manière à ce que le personnage fétiche de Simenon y tienne le rôle principal.

    Contrairement à la série des téléfilms avec Jean Richard dans le rôle de Maigret, l'une des particularités de la nouvelle série, avec Bruno Crémer dans le rôle du commissaire, est d'avoir puisé - pour la réalisation de quelques épisodes - des intrigues hors du cycle officiel des « Maigret ».


  • Intrigue
    Ils sont dix, pas plus, dans la salle à manger de la pension Notre-Dame, aux Sables-d'Olonne (Vendée, France), en plein décembre. Près du poêle, les gens sont cramoisis de chaleur. Les effluves chauds leur arrivent en pleine figure, font briller leurs yeux, cuisent leurs jambes, alors que Mme Quatre, entre la fenêtre aux volets mal joints que secoue la tempête et la porte à chaque instant ouverte de l'office, a le nez bleu de froid sous la poudre.

    Des gens qui ne se connaissent pas, sinon pour avoir mangé plusieurs fois dans cette salle à proximité les uns des autres, qui se lancent des regards complices, simplement parce qu'ils ont assisté, les soirs précédents, aux scènes de Mme Quatre et de ses deux enfants.

    Ce soir-là, l'attente est plus longue que d'habitude. Puis le bruit sec d'une gifle et un vacarme de chaises remuées. Mme Quatre est debout : elle traîne le plus jeune des gamins jusque dans sa chambre.

    Jean-Claude, l'aîné, a dix ans. Son frère, Jean-Pierre, a trois ans de moins. Ils sont espiègles, certes, mais tous les enfants ne le sont-ils pas ? Les commentaires, à voix basse, vont bon train. C'est la mère qui est incapable de se faire respecter. Elle n'en tirera jamais rien ! C'est sa faute à elle, elle ne sait pas s'y prendre ! C'est elle qui les rend fous. Pourquoi manque-t-elle à ce point d'autorité ?

    Mme Quatre est maigre. Elle n'a peut-être pas de santé. A ses bons moments, elle sourit, comme tout le monde. Seulement, son sourire n'est-il jamais bien établi sur ses lèvres. Il est provisoire comme un soleil de mars qui se montre hésitant entre deux averses. Mais ces soleils-là ne sont-ils pas les plus tendres ? Les pensionnaires, plusieurs fois par jour, se retrouvent dans la salle à manger. Ils se disent bonjour, échangent des phrases, des journaux, des livres. Pourquoi se taisent-ils ou changent-ils de conversation quand elle arrive ? On l'observe, on l'épie, on parle dans son dos et on la regarde d'un œil critique. Parfois, elle ne peut s'empêcher de penser que certaines gens abusent de leur supériorité sur elle qui n'a que la chambre 4 - celle qui ne donne pas sur la mer, mais sur une ruelle plus ou moins bien famée - et qui est arrivée la dernière à la pension Notre-Dame. D'aucuns pensent qu'elle est un peu folle, qu'en tout cas elle manque de stabilité.

    Cela fait un mois qu'elle est là, et bien que tout lui soit hostile, elle ne parle pas de s'en aller. Un matin, on lui annonce qu'il y a une lettre pour elle. Après l'avoir lue, elle demande à Mme Benoît, la patronne, de garder ses garçons ici pendant deux ou trois jours, car elle est obligée de se rendre à Paris. Et le soir même, à onze heures, elle prend le train, n'emportant pas de valise. Rien qu'un petit sac à main.

    — Mais oui, madame… Nous les garderons… Avec moi, ils seront raisonnables. Je suis sûre que ce ne sont pas de mauvais diables ! Avec les enfants, il faut…

    Le surlendemain, en ouvrant son journal, M. Benoît a la stupeur de découvrir en première page la photographie de Mme Quatre. Ce n'est pas son nom, bien sûr. On l'a appelée ainsi parce qu'elle occupe la chambre 4. On la voit debout, avec son chapeau pointu et ses longues jambes, dans un corridor, devant une porte qu'un gendarme lui ouvre.

    La première femme du pharmacien de Riom a déposé hier après-midi.

    Personne n'y avait pensé. Sur sa fiche, elle avait bien écrit Mme Martin. Mais il existe tant de Martin ! Et puis, même lui, on ne l'appelle pas par son nom dans les journaux : on dit plus couramment le pharmacien de Riom. L'homme à la barbe brune qui avait muré six ou sept femmes - les recherches n'étaient pas terminées et on s'attendait à des surprises - dans les caves de sa maison de campagne…

    En photo dans le journal, c'est elle, sa première femme, sa femme légitime, qui a eu la chance - ou le courage - de s'en aller après quatre ans de mariage en emmenant ses deux enfants, de s'en aller alors qu'il était encore temps.

    — Jean-Claude !... Jean-Pierre !... Voulez-vous bien rester tranquilles ? Je le dirai à votre mère quand elle reviendra…

    Dans la salle à manger de la pension Notre-Dame, Mme Benoît reste un moment sans respirer, à fixer la porte par laquelle vont apparaître d'un instant à l'autre les deux fils de… les fils de…




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