L'oranger des Iles Marquises
Nouvelle

  • Rédaction
    [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Marianne », n° 192 du 5 février 1936 ; illustration (photo).







    L'oranger des Iles Marquises, 1936.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale (publication posthume)
    In
    Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1992) - tome 22.
    L'oranger des Iles Marquises est l'un des treize textes recueillis sous le titre Nouvelles introuvables, 1936-1941.


  • Réédition(s) en français
    Aucune.


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 22.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Intrigue
    Il y a trente ans que Ploué a quitté son village du Finistère (France). Comme tous ses copains bretons, comme son père et son grand-père, il rêvait d'être marin. Sa mère n'a pas voulu parce que c'était assez de deux hommes péris en mer dans la famille. Alors il devenu curé. Et pour connaître la mer quand même, il s'est fait missionnaire et a demandé à partir en Océanie.

    Dans l'archipel de Tuamotu (Pacifique), son teint s'est halé, la barbe lui a poussé et il est devenu aussi large que les Canaques. Depuis vingt-deux ans, le père Ploué vit dans son île sans aucun contact avec ses supérieurs. Il a fini par considérer sa paroisse comme son fief, presque comme son royaume.

    Il y a cent façons de s'y prendre avec les indigènes pour les amener à vivre plus ou moins selon la morale chrétienne. Est-ce que Ploué a choisi la bonne ? C'est-à-dire celle qui aura l'agrément du prélat ? Depuis plusieurs semaines, le Breton et ses ouailles se préparent à accueillir la visite de Monseigneur…

    La façade blanche de l'église est garnie du sol au clocher de fleurs artificielles en papier et, à l'intérieur, les murs en ont été recouverts, laissant à peine paraître le Chemin de Croix. Des jeunes filles répètent une cantate spécialement composée en l'honneur de Monseigneur ; depuis trois jours, les hommes valides pêchent tout ce qu'il y a de fin en matière de poissons et de coquillages ; au presbytère, un chambre a été aménagée pour l'évêque et on a refait le lit dix fois. Il reste une bouteille de vin, une seule, et Ploué l'a déjà posée sur la table de la salle à manger.

    La grande fierté du Breton, sur cet atoll où rien ne pousse, faute de terre, est d'avoir réussit à faire pousser un oranger. Le seul oranger de l'archipel ! A force de mendier un peu de terre aux goélettes de passage, il a pu planter l'arbre contre la maison qui jouxte l'église. Maintenant, il donne une centaine de fruit par an. Ploué prétend avoir sauvé des enfants malades grâces à des oranges fraîches. Monseigneur arrivera juste à temps pour voir — et sans doute manger — la première orange de l'année…

    L'évêque arrive dans une atmosphère d'apothéose. Il débarque porté par dix indigènes. L'homme mesure deux mètres et est maigre comme un saint de vitrail. Les jeunes filles glapissent la cantate et les vieux baisent l'anneau.

    Monseigneur trouve les décorations florales de mauvais goût et demande qu'on les enlève avant la messe. Il déplore le vin sur la table et fustige les mauvaises habitudes qui se propagent jusque dans les îles du Pacifique.

    La nuit tombe. Un indigène qui habite au fond du lagon — à dix heures de pirogue — vient chercher Ploué : sa femme va mourir et réclame le prêtre. Le Breton devra laisser l'évêque assister seul aux cérémonies. L'orage éclate, le vent souffle et les heures passent. Lorsque que les deux hommes arrivent chez l'indigène, la femme est déjà morte. Ploué ne peut pas repartir tout de suite. Vingt-quatre heures à attendre la fin de la tempête. Et là-bas, dans son église, Monseigneur et sa voix coupante…

    Tout ce qu'il a préparé… Ploué n'a pas d'ambition et sait qu'il ne montera jamais en grade. Mais, depuis le temps qu'il est vit tout seul, livré à sa propre initiative, il aurait eu besoin d'un encouragement… Il aurait aussi tant vouloir l'étonnement du prélat devant le miracle de l'oranger !

    Lorsqu'il revient au village, il n'y a plus de chants ni de fêtes. Partout, sur le sol, des lambeaux de fleurs en papier. L'évêque est parti. A cause du mauvais temps. Il a supprimé la procession que Ploué promettait depuis des années…

    L'oranger a disparu. Monseigneur a-t-il emporté l'arbre en souvenir, ou pour le replanter ailleurs ? Non, à deux heures du matin, il a demandé ce qui frappait ainsi contre sa fenêtre et exigé qu'on arrache l'arbre pour ne plus être dérangé, pour qu'il puisse enfin dormir.

    Dans l'obscurité, l'orange est tombée et l'indigène qui a abattu l'arbre a marché dessus. Il ne s'en est aperçu qu'au matin.

    Vingt ans plus tard, Ploué a une barbe blanche et se traîne difficilement. Comme tant d'autres, il est atteint d'éléphantiasis aux jambes. On ne fait plus de fleurs en papier dans son île et les jeunes filles n'apprennent plus de cantates. Par contre, elles ont des bicyclettes. Une douzaine de Canaques sont allés faire la guerre en France et pour les sept d'entre eux qui ne sont pas revenus dans leur île, on a dressé un monument aux morts.


  • Sources
    Ouvrages consulté
    s et informations relatives aux recherches bibliographiques.


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