La révolte du Canari
Nouvelle

  • Rédaction
    [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° [ ? ] du 25 juillet 1940 ; p. [ ? ].


  • Edition originale
    In Œuvres complètes, tome 26 (Lausanne, Editions Rencontre, 1969).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].



  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 22.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 22.

    La révolte du Canari
    est l'un des treize textes recueillis sous le titre Nouvelles introuvables, 1936-1941.



  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Intrigue
    Ce soir-là, dans une ville de province (non nommée par l'auteur, mais située en France), Ernest Archambault (dix-sept ans), dit le Canari en raison de ses cheveux couleur de blé, étouffe de colère. Il n'a qu'une envie : tuer le premier venu, sans raison, afin d'être enfermé en prison.

    — Et après, ils seront bien avancés !… Je les déteste ! Je les déteste ! Tous !

    Cette phrase résonne sans fin dans sa tête. Celui à qui s'adresse le courroux d'Ernest, c'est M. Griset, le premier, qui sent la punaise et qui est puant au moral et physique comme une punaise, tout chef de bureau qu'il est. Car le Canari est employé dans une banque où l'on n'aime pas sa casquette à carreaux ni sa façon de s'habiller en général. Mais qui peut savoir, pour la casquette à carreaux, comme il en a eu envie ? Les vingt-cinq francs de cette casquette, il les a chipés, deux francs par deux francs, cinquante centimes par cinquante centimes, dans le porte-monnaie de sa mère, pour que ça ne se voie pas.

    Tous ! Le directeur de la banque qui, avec une nonchalance affectée et un dédain de grand seigneur, extrait de la poche extérieure du veston de son employé une pipe dont le tuyau dépasse en lui faisant remarqué que — chez un collaborateur de la banque — c'est plutôt un stylo qu'on s'attend à trouver là et que si son père n'était pas honorablement connu, il serait au regret de se passe de ses services…

    Tous ! A sa famille, qui dit volontiers qu'il en est la honte ! Sa sœur, cette saleté d'Yvonne qui sait si bien jouer la comédie et qui veut le dénoncer à sa mère parce qu'il a une photographie de femme nue dans son portefeuille… Son père, Joseph, qui était resté quarante ans dans la même place, derrière le comptoir d'une quincaillerie dont, le soir, il emmenait l'odeur triste dans le pli de ses vêtements. A sa mère, qui préférerait mourir plutôt que d'avoir un fils comme lui et s'étonne qu'il ne s'amuse pas, le dimanche après-midi, chez tante Mathilde, où toute la famille restait des heures en rond autour d'une table à parler des malades et des morts. Et ça soupirait ! Et ça se lamentait !

    Le soir en question, avant de rentrer dîner à la maison, le Canari a bu quelques pernods chez Ferrari, puis a fait un détour pour aller voir les filles. Sans argent sur lui, il aurait bien voulu laisser sa montre en argent en dépôt, mais — à cause de la police — on en a pas voulu et on la prié de revenir une autre fois.

    Chez les Archambault, on mange à la cuisine, parce qu'on est de petites gens, et bien qu'on possède une salle à manger et salon avec un piano. Un piano pour Yvonne, évidemment. L'haleine du Canari sent l'alcool et sa mère le remarque. Le ton monte, une gifle part. Ernest prend le revolver de son père et s'enfuit de la maison.

    A travers les rues rendues humides par le crachin, le Canari sème son père, qui s'était lancé à ses trousses. Dans un bar, il commande un verre de marc qu'on lui refuse en raison de l'heure tardive. Alors, il continue à marcher et braque un homme. Ernest brandit son revolver et ferme les yeux en attendant la détonation. Elle ne vient pas… En revanche, il reçoit un formidable coup de pied dans les tibias. Par malchance, c'est au brigadier Leroy qu'il s'en est pris. Le colosse prend le jeune homme sous le bras, comme un paquet pour l'emmener au poste. Dans l'obscurité, Ernest se débat ; entre ses dents, il saisit la main du policer et la mord de toutes ses forces. A cause de la douleur, Leroy lâche le Canari qui tombe et s'enfuit à toutes jambes. On ne le retrouvera pas.

    Plus tard, Ernest Archambault fait la queue devant une soupe populaire, celle qui se trouve au Quartier latin (Paris, France), vers une église. Le lendemain, dans une cave remplie de buée, il est embauché comme plongeur dans un grand restaurant des Boulevards.

    Il mettra deux ans pour payer le vélo à roue libre, entièrement chromé, dont il rêvait depuis si longtemps et qu'il a acheté à crédit. Pendant des mois, il partage la mansarde d'une fille du vestiaire et devient chef de rang. Puis il fait deux saisons à Deauville comme second maître d'hôtel et gère une pension de famille à Etretat.

    Maintenant, rue Blanche — à mi-chemin des Grands Boulevards et de Montmartre — on aperçoit une enseigne au néon d'un jaune agressif, qui porte les simples mots : Au Canari. C'est un restaurant discret, réputé pour sa bonne chère, pour son cadre simple et confortable.

    Le portier, en uniforme sombre, porte très peu de galons. C'est M. Canari père, comme on l'appelle. M. Canari fils, en smoking, reçoit les clients tandis que Mme Canari mère, à la caisse, pointe les additions que lui remettent les garçons. Elle soupire toujours, comme si une catastrophe était suspendue au-dessus de sa tête.

    Sans doute pense-t-elle à Yvonne, la seule qui ait mal tourné. Dans sa ville natale même, elle est devenue la maîtresse d'un juge d'instruction, et ses tantes doivent changer de trottoir quand elles l'aperçoivent…



• Apporter une information complémentaire
ou une correction : cliquer ici