La tête de Joseph
Nouvelle

  • Rédaction
    [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° 572 du 26 octobre 1939 ; p. 6.







    La tête de Joseph, 1939.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In Œuvres complètes, tome XXV (Lausanne, Editions Rencontre, 1969).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].



  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 22.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 22.

    La tête de Joseph
    est l'un des treize textes recueillis sous le titre Nouvelles introuvables, 1936-1941.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Intrigue
    Un mardi matin, un peu avant huit heures, dans un café ou un bar — comme on voudra — de Colon (Panama), Napo, le nègre, astique au blanc d'Espagne la grande glace derrière le comptoir. Jules, le patron de l'établissement, est là sans y être ; tout en s'habillant, il traverse de long en large la petite pièce qui sert de cuisine. Il sent le savon et l'eau de Cologne ; il porte un pantalon de toile amidonné qui glisse sans cesse de son ventre, a passé une chemise propre et se bat avec un faux col.

    Lorsqu'il est enfin prêt, un homme entre. Il est long et maigre, en smoking, calme et pas gai, un monocle à l'œil gauche. Comme les habitués, il s'accoude au comptoir, après avoir tendu la main à Jules sans rien dire. Tout le monde l'appelle le baron. S'il est en smoking à huit heures du matin, c'est que la veille au soir, il a déniché des partenaires, des gens de passage, sans doute des Anglais, qu'il a joué au bridge une partie de la nuit et qu'il a gagné. Et qu'ensuite, il s'est soûlé de chicha dans les plus louches débits, avec des nègres et des métis, pour finir dans quelque cave où des enragés continuaient à boire jusqu'au matin.

    Le baron demande à Jules de lui prêter cinquante dollars. Le bistrotier refuse et s'en va au port. Aujourd'hui, c'est un petit paquebot de la ligne New York-Valparaiso qui fait escale à Colon. Jules a affaire à bord de tous les bateaux, mais pas toujours la même chose. Si on dit qu'il se livre à la contrebande des armes avec les républiques sud-américaines, il ne proteste pas. Si on prétend que c'est un ancien forçat, qu'il n'est pas français mais belge, que son prénom est Jef et non Jules, ça lui est tout aussi égal.

    A bord du Santa-Clara, Félix — un ami de Jules — discute avec un couple de Reims qui fait son tour de noces à travers le monde. Le mari est le fils d'une maison de champagne et son épouse se serre contre lui comme si elle avait peur qu'il s'envole. Pendant le voyage, ils se sont liés avec veuve d'Atlantic City, qui est rousse et particulièrement excitée. Félix leur promet ce qu'ils cherchent (et si ça n'existe pas, on le crée au besoin car on a tôt fait de réunir quelques nègres et négresses dans une bicoque) : un spectacle torride pour la nuit.

    En attendant, Félix leur vend des parfums, de la soie et des crocodiles empaillés à rapporter à leurs parents et à leurs amis. Puis, il les conduit dans le bar Jules et commande des absinthes. Le baron est toujours là, assis dans le coin le plus reculé du café.

    Félix baisse alors la voix et, désignant l'homme en smoking, dit à ses compagnons qu'ils sont en présence d'un vrai baron, le baron Vouillé, issu de la noblesse de finance et du quartier Haussmann. Félix parle du baron au pluriel : parce qu'ils étaient deux. Deux frères, fort riches, sans doute par leur tante. Le premier à débarquer à Colon est Joseph, le plus jeune. Il n'avait pas trente-cinq ans et projetait de visiter l'Equateur, le Pérou, le Chili… A peine débarqué, il a commencé à faire la noce, laissé partir un premier bateau, un second… Puis, il a découvert un sale petit bistrot indigène, a bu de la chicha et s'est amusé avec une Indienne qui n'était pas belle, ni seulement propre sur elle-même.

    A ce moment de l'histoire, entre Mimile, maigre et chétif, habillé de blanc, comme tout le monde, un panama sur la tête. C'est lui qui, quelques années auparavant avait annoncé à Joseph que son frère venait de débarquer à Colon. Ce jour-là, Joseph était chez Jules et avait beaucoup bu de chicha. Il est sorti du bar, s'est éloigné en direction du port et, ensuite, on a jamais eu de ses nouvelles. On l'avait cherché sans vraiment le chercher ; on avait d'ailleurs aucun intérêt à le retrouver trop vite car on était pas fier de l'avoir laissé se dépraver pareillement.

    Le nouvel arrivant s'adresse au baron et lui demande s'il n'est pas trop ivre pour reconnaître la tête de son frère. Sur la table, il défait du papier de soie et montre quelque chose… Une tête d'homme, ramenée à la grosseur d'un poing, sans rien perdre de son expression… C'est aussi sec, aussi propre, aussi net que du cuir… Les cheveux gardent leur longueur… Les Indiens Jivaros, qui vivent encore dans la forêt tropicale, coupent les têtes de leurs ennemis et les réduisent de telle sorte.

    Mimile a acheté cette tête pour le compte d'un client. L'Américaine demande combien et offre le double. Les verres de chicha et d'absinthe circulent. Comme à la Salle des ventes, la veuve monte jusqu'à quatre-cent-cinquante dollars, contre le baron qui estime que cette lui revient de droit puisque c'est celle de son frère.

    L'Américaine compte ses billets ; il manque quelques dollars. La banque est fermée, mais le jeune marié avance la somme manquante… Les jeux sont faits ! Le jeune couple et la veuve retournent à leur bateau.

    Félix et Mimile discutent du partage. Puis, Félix charge le baron dans un fiacre — il est trop ivre pour y monter seul — et le reconduit chez lui. En route, il lui rappelle que ce que font les Jivaros ne les regarde pas, mais qu'entre eux, c'est fifty-fifty. Le baron ne l'entend pas, il s'est déjà endormi…


  • Sources
    Ouvrages consultés et informations relatives aux recherches bibliographiques.


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