Lettre d'Isabelle Rivière
à un réalisateur qui lui demande l'autorisation
d'adapter Le grand Meaulnes au cinéma

  • Texte intégral
    Le nom du destinaire de la lettre manque

    Dourgne, le 22 mai 1939

    M
    onsieur,

    Je suis désolée pour vous d'avoir à vous répondre que tout votre travail est inutile, car ayant l'intention moi-même de porter Le grand Meaulnes à l'écran, j'ai déjà fait le scénario avec le jeune metteur en scène que j'ai choisi. L'argent seul nous manque, et nous manquera sans doute longtemps, car ce n'est pas aux œuvres passées que vont les millions.

    Je dois peut-être à votre haute admiration pour le livre de mon frère de vous dire qu'à mon sens le premier devoir du cinéaste envers ce livre était la fidélité absolue, la soumission totale, et qu'ainsi il n'y a pas une seule phrase d'un de vos dialogues inventés que j'eusse pu accepter, pas plus que la moindre de vos transformations, dont la anodine suffit à fausser irrémédiablement l'un ou l'autre des personnages et le sens profond de l'œuvre tout entière.

    Pardonnez-moi, Monsieur, de vous parler ainsi, mais il me semble que la première chose que je vous doive ici c'est la vérité — et je ne vois pas d'ailleurs à quoi servirait le contraire.

    Je vous prie cependant de croire à mon regret que cette vérité ne vous soit pas plus douce, et à toute ma sympathie.

    Isabelle Rivière


    — Je vous retourne votre envoi par même courrier


     

    Lettre d'Isabelle Rivière.