Le bateau d'Emile
Nouvelle

  • Rédaction
    Hôtel de Cambrai, Rue de Turenne 30, Paris 3e (France), en juillet 1945.


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans le mensuel « Lectures de Paris », n° 2 du 20 juillet 1945 ; pp. 3-25, illustrations de Jean Reschofsky).
    Paris, S.E.P.E. ; 20 x 15,5 cm, 79 pages ; illustrations (dues à plusieurs artistes) ; couverture illustrée (Jean Reschofsky).

    Jean Reschofsky a également illustré le premier texte autobiographique de Simenon, Je me souviens... (Paris, Presses de la Cité, 1945).


     


     



    Le bateau d'Emile, 1945.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In Le bateau d'Emile (Paris, Gallimard, N.R.F., 1954).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome 26.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 25.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 25.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : Emil und sein Schiff.

    En anglais :
    [ ? ] : Emiles's Boat [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Adaptation(s) cinématographique(s)
    Liste non exhaustive

    Le bateau d'Emile, film français de Denys de la Patellière.
    Scénario : Denys de la Patellière et Albert Valentin.
    Adaptation et dialogues : Michel Audiard.
    Avec : Annie Girardot, Lino Ventura, Pierre Brasseur, Michel Simon, Jacques Monod, Edith Scob, Joëlle Bernard, André Certes, Jean Solar…
    Sortie le 3 mars 1962.


      Le bateau d'Emile, 1962.
    Affiche française (Ferracci) ; 57 x 76 cm


      Le bateau d'Emile, 1962.
    Affiche française (Ferracci) ;
    117 x 158 cm




    Le bateau d'Emile, 1962 ; affiche belge (Panneels) ; 56 x 37,5 cm.


      Le bateau d'Emile, 1962.
    Programme du film (avec photos).


  • Intrigue
    Quand Emile Bouet a-t-il eu l'idée de se débarrasser de Fernande ? Le jour où, devant Me Chave, le notaire, il a écrasé sa signature au bas de l'acte de vente du Deux Frères.

    Un jour pas comme les autres, une minute comme peu de gens en vivent : a-t-on déjà vu à Fécamp (Seine-Maritime, France) un homme — qui a débuté comme mousse sur la flotte du riche armateur M. Larmentiel — pénétrer dans le salon de ce dernier ? Et cet homme devenir armateur à son tour par l'acquisition du meilleur bateau des Larmentiel ?

    Non, tout cela aurait été impossible, voire inimaginable, du temps de M. Larmentiel père. Mais la prospérité de l'entreprise familiale va déclinant et François Larmentiel, le fils du vieil armateur, vient bel et bien de céder à Emile Bouet, par-devant notaire, le Deux Frères.

    La transaction a lieu chez les Larmentiel, dans le salon de la grande maison du quai des Belges. Et au terme de celle-ci, on offre à Emile un gros cigare bagué ; on le fait asseoir dans un fauteuil doré…

    Emile Bouet a trente-huit ans. C'est un pêcheur vigoureux et personne ne l'a aidé : il s'est fabriqué tout seul. Célibataire, il vit avec Fernande. Un beau morceau de femme, hein ? fait remarquer le notaire avec un drôle de sourire aux lèvres. François Larmentiel, avec ses airs discrets de gentilhomme déplumé, attend avec intérêt la suite de la conversation lancée par Me Chave.

    Emile se demande où l'on veut en venir. Bien sûr, Fernande est la plus belle femme de Fécamp, et même d'ailleurs. Tout le monde le sait. Et tout le monde sait d'où elle sort, où il l'a prise : à la maison publique.

    — Vous n'avez pas envie de vous marier ?

    Les bagarres et les ruptures entre Emile et Fernande sont connues dans toute la ville. Il est de notoriété publique que Fernande est une garce, qu'Emile la rosse et qu'elle le trompe sans vergogne. Toute cette conversation sonne faux. La scène est préparée et les acteurs jouent plus ou moins bien leur rôle. Emile en est convaincu.

    Alors ? Qu'est-ce qu'ils veulent ? Emile le saura vers six heures du soir, en quittant la respectable maison du quai des Belges en compagnie du notaire : François Larmentiel a une fille à caser, Claude… Alors, pour Fernande — bien qu'il ne prononce pas son nom — il lui conseille de laisser tomber.

    Emile a donc vu juste. On l'attire dans une combine… Pas inintéressante d'ailleurs : en laissant tomber Fernande, il deviendrait le gendre de Larmentiel et… avec un homme comme lui dans la maison, l'entreprise aurait tôt fait d'être redressée !

    Après avoir quitté le notaire, Emile entre dans les deux cafés du quai. Il boit. Et à mesure que son cerveau s'embrume dans l'alcool, l'idée de tuer Fernande fait son chemin. La tuer ; parce que la flanquer à la porte, il ne pourrait pas. Il l'avait déjà fait, cinquante fois peut-être, quand il était saoul. Il la trouvait dans son lit, comme si elle était chez elle — alors que sa place était au bobinard — il la frappait et la jetait dehors en gueulant. Le lendemain, elle revenait ; et parce qu'elle était la plus belle garce de la terre, il la reprenait.

    Pendant quinze jours, Emile Bouet boit. Et pas un soir, il ne se couche sans être plus ou moins ivre, d'une ivresse méchante. Le matin, il retrouve ses fantômes, Fernande, la belle putain, la compagne devenue gênante dont il veut se débarrasser coûte que coûte… Le notaire Chave et François Larmentiel, avec leurs manigances…

    A l'occasion d'une sortie en mer, Emile tente de faire disparaître Fernande. Elle devine le danger alors que, lui tournant le dos, son amant s'apprête à l'assommer. Lorsqu'elle lui fait face, il se rend compte que jamais il ne pourra la tuer. Que jamais, il ne pourra la quitter. Ils ne formaient pas un ménage. Rien ne se passait comme dans un ménage, mais plutôt comme entre une femelle et un mâle dans la forêt. C'était sa femelle. Il la prenait, ou il la battait. Ils s'en allaient chacun de leur côté, se retrouvaient, se reniflaient, essayaient leurs griffes l'un sur l'autre et, ce qu'il y avait de terrible, c'est qu'ils ne pouvaient s'en passer.

    Alors, ce serait l'un ou l'autre… Dès le début, il l'avait su ! Et puisque ce n'est pas Fernande, ce sera donc François Larmentiel, le salaud qui lui a mis des idées dans la tête… Car après la tentative ratée contre Fernande, celle-ci n'en était pas moins rentrée chez eux et elle n'avait plus peur de lui. Fernande, c'était sa femelle et ce n'était pas pour rien qu'il l'avait choisie.

    — L'un ou l'autre…

    Un soir, après avoir bu et se sentant plus fatigué que saoul, Emile se rend chez François Larmentiel. Il frappe à la porte. L'armateur descend lui ouvrir. Emile entre.

    — L'un ou l'autre…

    Il ressort quelques minutes plus tard. Il a mal aux doigts, car il a dû serrer très fort. C'était beaucoup plus dur qu'il n'aurait cru. Mais c'est fait. Il peut maintenant rentrer se coucher près de Fernande. Il enlève ses tricots par-dessus sa tête et, en caleçon, s'étend avec un soupir de soulagement à côté du corps chaud de sa maîtresse. Longtemps après, les yeux fermés, avec un peu d'eau trouble qui suinte entre les paupières, il balbutie :

    — Ils viendront me chercher demain matin… Faut pas t'en faire…




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