Le capitaine du Vasco
Nouvelle

  • Rédaction
    Nieul-sur-Mer (Charente-Maritime, France), en 1939.


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° 588 du 15 février 1940 ; p. 6.







    Le capitaine du Vasco, 1940.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In La rue aux trois poussins (Paris, Presses de la Cité, 1963).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome 26.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 12.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 12.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Intrigue
    Entre Matadi et le Cameroun, à l'embouchure d'un fleuve, le Vasco est à l'encre, par 46° à l'ombre, en attendant une flottaison de bois qu'il doit charger.

    — Je vous affirme, Verbe, que vous êtes de plus en plus répugnant.

    Et comme pour mettre d'avantage l'accent sur cette affirmation, il repousse son assiette, incapable de manger plus longtemps devant le spectacle qu'il contemple. Celui qui parle ainsi, c'est le capitaine du Vasco, Josse, la cinquantaine. Et celui qu'il invective ainsi, c'est son chef mécanicien. Ce ne pourrait être quelqu'un d'autre, ils ne sont que deux, à ce moment-là, sur la passerelle du bateau !

    M. Verbe, lui aussi, a dépassé la cinquantaine. L'âge a blanchi ses poils drus, ceux de ses cheveux, coupés en brosse, ceux de sa petite moustache et ceux de sa barbe qui, faute d'être rasés depuis deux ou trois jours, donnent une couleur crayeuse à ses joues. Mais rien ne secoue la crasse indifférence de l'homme. Il bâfre, les coudes sur la table. Et il est content ! Du matin au soir, il traîne un pyjama à rayures dont le pantalon descend sur son ventre jusqu'à découvrir un nombril profond et dont la veste s'écarte sur des seins velus.

    Po-si-ti-ve-ment ré-pu-gnant…

    Jusqu'à l'odeur de sa pipe qui est plus forte, plus âcre que celle de toutes les pipes du monde ! Il y a dix ans, quinze ans, qu'il en est ainsi. Des époux peuvent divorcer, eux pas ! Et la Compagnie, qui possède une trentaine de bateaux comme le Vasco n'a jamais consenti à les séparer.

    Quand il est las de s'en prendre à M. Verbe, le capitaine Josse rêve d'un chef mécanicien qu'il aurait tutoyé et avec lequel il aurait parlé… Pas commencer une discussion sérieuse, non… Mais simplement laisser couler les mots, de temps en temps… Ou alors, il pense à sa jolie maison de La Rochelle (Charente-Inférieure, aujourd'hui Charente-Maritime, France) ; à Elise, sa jeune épouse (vingt-quatre ans) ; à Colette, la cousine de celle-ci, encore plus jeune (dix-huit ans). Sans doute sont-elles au cinéma… Elise est fraîche, vive, toujours parfumée, avec des petits ongles pointus soigneusement laqués, des petits pieds, une peau tendre… Colette est toujours en peignoir, à plat ventre sur le divan ou sur le lit, à dévorer des bouquins…

    Une petite maison toute neuve, achetée sur catalogue et construite en trois mois… Rien à voir avec les Verbe, qui habitent derrière la gare, dans un quartier où on ne rencontre que des ouvriers et des employés d'usine.

    A propos de Colette… Josse revit son dernier retour à terre, un jour plus tôt que prévu.

    — Déjà !... Tu n'as pas télégraphié !...

    Elise est rose, souriante, un peu de feu aux joues, du parfum partout, surtout dans ses cheveux roussâtres. Et puis quelqu'un qui descend l'escalier, avec Colette. Un dénommé Jean, qu'on lui présente comme l'amant de Colette. Il se souvient de son mécontentement à l'idée que cette gamine… sous son toit…

    Cette histoire, Josse se l'est racontée maintes fois. Même devant Verbe, mais sans s'adresser vraiment à lui, qui n'avait d'ailleurs rien dit.

    Un jour, alors que le cuisinier lui apporte un gâteau à la crème avec le thé, Josse comprend. Ce gâteau lui rappelle certains détails de son retour inopiné dans sa maison de La Rochelle. Tout d'un coup ! L'intuition, la certitude qu'on a substitué Colette à Elise… D'un bond, il se lève, quitte la passerelle du Vasco et descend vers les cabines en appelant Verbe. Il hurle, frappe à sa porte.

    Un rire de négresse. Des chuchotements. Une discussion. Verbe ouvre ; la fille sort, avec son pagne rouge.

    — Ce n'était pas Colette…
    — Hein ?

    Josse s'explique, se frappe, pleure. Verbe lui verse un petit verre d'eau-de-vie des Charentes, puis un autre. Quand le capitaine sortira de la cabine du chef mécanicien, il sera fin saoul.

    Trois semaines plus tard, de retour à La Rochelle, Eugène Josse congédie Elise et demande un congé d'un an. Le temps d'obtenir le divorce et d'épouser Colette. Quand il reprend la mer, on lui donne un autre bateau et un autre chef mécanicien. Un Marseillais qui joue aux boules à toutes les escales, et même sur le pont. Alors que Josse aurait bien aimé parler de temps en temps de cette histoire avec M. Verbe.

    Mais on ne peut pas tout avoir…




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