Le nègre s'est endormi
[La passion de Van Overbeek]
Nouvelle

  • Rédaction
    Nieul-sur-Mer (Charente-Maritime, France), en 1939 [ ? ].


  • Mansucrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Gringoire », n° 634 du 30 janvier 1941 ; p. 4 ; sous le titre La passion de Van Overbeek.







    La passion de Van Overbeek, 1941.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In Le bateau d'Emile (Paris, Gallimard, N.R.F., 1954).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome 26.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 25.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 25.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Intrigue
    Congo belge. Pour la première fois depuis bien longtemps, la saison des pluies est en retard. Les nerfs sont à fleur de peau. Jeanne Penning, vient de casser une nouvelle fois la navette de sa machine à coudre… Elle attend péniblement quatre heures de l'après-midi — la fin de la sieste — pour se rendre chez son amie, Maria Van Overbeek pour lui emprunter une épingle.

    Quand elle arrive chez Maria, elle aperçoit la petite négresse qui s'occupe du bébé de son amie lui mettre un bâton de guimauve dans la bouche. Elle crie ; ce qui réveille Maria. Elle se lève précipitamment, tâte le sol de ses pieds nus pour enfiler ses pantoufles, croise son peignoir bleu ciel et se précipite dans sa chambre pour se repoudrer.

    Entre les deux femmes, la tension monte inexorablement. Déjà en Belgique, Jeanne jalousait Maria, dont les parents avaient une maison en pierre de taille, tandis que les siens habitaient une bâtisse en briques dans un quartier pauvre. A l'administration coloniale, nouveau ressentiment : Victor Van Overbeek est le supérieur de Jef Penning.

    Souvent, Jeanne et Maria se disputent à propos de la manière dont Maria s'occupe de son enfant. Et ce jour-là, Mme Penning va trop loin : Maria la met à la porte. Le soir, elle annonce à son mari qu'elle ne veut plus la voir. Cette brouille entre les deux femmes ennuie les maris. A cause des parties de bridge — seule distraction — désormais compromises !

    Après trois mornes soirées, Jef parle à Victor de la possibilité de faire un bridge à trois. C'est moins scientifique, mais… C'est ainsi, qu'en compagnie de Jeanne, ils se retrouvent dans un local de l'administration pour jouer. Victor prétexte à Maria un surcroît de travail pour retourner au bureau. Pour plus de sûreté, on a stylé Jonas, le nègre de service, afin qu'il détourne Maria au cas où elle surviendrait à l'improviste.

    Mais un soir - tandis que le nègre s'est endormi dans le bureau - Maria surgit. Derrière un vasistas, elle surprend le trio en train de jouer aux cartes. Son visage est froid, plus implacable qu'un bloc de pierre. Dans ses yeux, on sent de la haine. Van Overbeek est comme dans un cauchemar. Lorsqu'il se lève, Maria est déjà repartie. Alors, il abandonne ses compagnons de jeu et cours jusqu'au bungalow. Le bébé pleure. Maria est en train de préparer sa valise.

    Où pourrait-elle bien aller, il n'y a pas une maison à moins de cent kilomètres ? Maria ne dit pas un mot. Victor la supplie. En vain. La valise est bouclée. Le bébé dans les bras, Maria s'apprête à franchir le perron. Victor menace de se tuer. Sa femme se moque : elle sait qu'il n'aura pas le courage. Voyant qu'il n'y a rien à faire, Victor prend son revolver et — pour ne pas perdre complètement la face — se loge une balle dans le bras en prenant soin d'éviter l'os. Il a fermé les yeux, mais il n'est pas tombé. C'est seulement lorsqu'il sent le contact visqueux du sang avec sa main droite qu'il s'évanouit. Maria appelle au secours. C'est Jeanne qui vient à l'aide et fait le pansement.

    Après être resté quatre jours sans travailler, Victor revient au bureau, un peu raide, le bras en écharpe, les yeux cernés :

    — Bonjour, monsieur Penning… Veuillez, s'il vous plaît me remettre les dossiers en cours…

    Rien d'autre. C'en était fini de leur amitié et de leur complicité. Dix fois, quinze fois par jour, Victor s'enfonce la tête dans son placard personnel. Après, dans le bureau, il flotte une légère odeur de genièvre. Et le soir, quand il se dirige vers son bungalow, il est encore plus raide que le matin.

    — Bonsoir, monsieur Penning.
    — Bonsoir, monsieur l'administrateur…

    Il en fut ainsi encore deux ans. Puis les Penning furent nommés ailleurs et ils se perdirent de vue.

    Victor Van Overbeek, le soir, marchait toujours aussi raide et, de plus en plus, il parlait tout seul. Il lui arrivait même de prendre un poteau pour un nègre et de l'engueuler !




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