Certains peintres transforment
le soleil en un point jaune ; d'autres transforment un point jaune en soleil.

Picasso




 


Exposition précédente :
28 novembre au 19 décembre 2004 – Galerie L'Essor (Le Sentier, Vaud)



  La Laire, avril 2008
lavis, 14 x 14,5 cm



Michel Martina
Le peintre paysagiste au romantisme doux

Dominique Noirot, mars 2009

Tel est le sentiment que nous avons pu ressentir lors de notre visite des cimaises du Centre de Rencontres de Cartigny. Ce fait, tout de même rarissime, mérite d être relevé comme il se doit.

Depuis trois années environ, Martina ne nous avait pas procuré le plaisir d'une exposition personnelle. Ce 4 mars fut, par conséquent une heureuse redécouverte de cet artiste qui fut professeur à l'École des Arts Décoratifs de Genève et membre de la Société des Artistes Français. La liste de ses expositions person-nelles ou en groupe est assez éloquente pour confirmer, si besoin en était, que notre région peut s'honorer d'un artiste au talent maîtrisé et doté d'une personnalité discrète et attachante.

Est-ce là le lot de tout artiste-peintre paysagiste digne de ce nom ! Nous le croyons bien volon-tiers et c'est tout à l'honneur de cette discipline artistique exigeante qui ne souffre aucune approximation, faiblesse, gesticulation ni... mensonge !

Ce sont quelque septante aquarelles, lavis, pastels et dessins qui sont accrochés à Cartigny.

Ses aquarelles, aux larges effets vaporeux qui se perdent dans des lointains évanescents témoignent d'un savoir-faire du meilleur aloi. Elles nous conduisent dans la campagne genevoise, sur les bords du Rhône avec quelques brèves incursions en Pays savoyard. Par ce procédé, les émotions de l'artiste sont interprétées et portées sur le papier avec un raffinement et un sens de l'harmonie qui font tout leur intérêt bien que certains craignent la dominance des ciels au détriment de la composition générale. Chacun est juge.

Nous avons encore devant les yeux Premier printemps... une roselière qui bascule ses ocres délicats dans les eaux d'un étang sous les lueurs diffuses d'un soleil encore incertain. Bien des choses y sont dites et il y a du bonheur à se faufiler dans cet univers de demi-teintes, posées avec la science consommée d'un vieux briscard à qui on ne la fait plus !...

Quant aux dessins et procédés assimilés, c'est une autre histoire ! Si, bien entendu, on retrou-ve la spiritualité dominante de l'artiste dans leur exécution, les nouveaux outils mis à sa disposi-tion lui permettent une toute autre expression en particulier dans le traitement des arbres. Là, force, dextérité, puissance et harmonie sont à leur apogée.

 
Ses arbres sont racés, puissants, tiennent bien sur leurs racines. Leurs branches, porteuses de vie, s'élancent dans l'espace avec une élégance que n'aurait certainement pas renié Corot.

Quel bonheur de voir enfin, sur les cimaises, tant de vérités exprimées avec une sincérité qui transcende le simple savoir-faire et nous rendent heureux. Dans les sous-bois feuillus, la lumière habilement, conduit le regard tout au bout d'un chemin qui se dilue dans une pénombre très douce et très mystérieuse. L'air y circule librement, il fait vibrer les feuillages en une brise légère et toute amicale.

D'ailleurs, tout l'œuvre peint ou dessiné de Martina n'est que légèreté. Mais que l'on ne s'y trompe pas ; au-delà des apparences, il y a dans le caractère de ce rude combattant, une force, une foi, une conviction, un respect infini de la nature dont bien des rapins devraient s'inspirer.

Pensons encore à son Bouquet de bouleaux. Un grand fusain plein de grâce dans lequel et malgré l'absence d'un point de fuite, la perspective et la profondeur sont tout simplement données par la force graduée du trait et le jeu des ombres et de la lumière. C'est du grand art !

C'est du grand art également pour une « petite chose » qui ne va pas chercher midi à quatorze heure. Elle est accrochée, toute menue et discrète dans la salle des dessins. C'est une création, il nous semble, à base de sanguine et de sépia sur un joli papier bistre... Elle est si harmonieuse, si parfaite dans ses jeux de couleurs chaudes qui se chevauchent, se croisent et s'entrecroi-sent à la limite de l'abstraction. Il est tout de même curieux de constater que les regards des visiteurs ne font que l'effleurer avec une certaine indifférence. Et pourtant !

Au cours de notre promenade nous avons discrètement prêté l'oreille aux bavardages et commentaires des invités. « C'est une peinture triste » avons-nous entendu... Allons donc ! Quelle sottise ! Quelle absence de culture large d'esprit et de compréhension ! Faut-il faire hurler les couleurs ! Faut-il saboter le dessin pour être entendu ! Ne pouvons-nous pas penser que cette réflexion, issue peut-être de certains courants conduits par des gesticulateurs soi-disant avant-gardistes, n'est que le fruit amère d'une absence totale de sensibilité.

Mais bien sûr que non, l'œuvre de Martina n'est pas triste ! Elle est au contraire toute joyeuse et pimpante. Elle est aussi pudique et sans exubérance. Elle distille le bonheur et la joie de vivre. Elle est la résultante de la pensée et de la réflexion d'un artiste qui dialogue dans le silence avec la nature, sa mère nourricière et bienveillante qui, à l'issue de la séance sur le motif, lui chuchote, sans doute, dans le creux de l'oreille, un poème dans la paix et la tiédeur de l'atelier..



4 – 29 mars 2009
  Centre de Rencontres
Rue du Temple 21
Cartigny – Genève







Forêt du Jura, juillet 2004
fusain, 20,5 x 17 cm

 

    Brouillards du Rhône, janvier 2007
aquarelle, 23,5 x 20 cm


  Forte gelée blanche, décembre 2006
aquarelle, 22 x 16,5 cm





Neige vierge, janvier 2002
aquarelle, 11,5 x 11,5 cm

 

    De l'ombre à la lumière, 2008
lavis, 12 x 16 cm