Blaise Cendrars
Quelques repères biographiques



[Portrait : Yves Brayer.]

  • Blaise Cendrars
    [Sources : Philippe Lançon, Blaise Cendrars..., Jean-Pierre Rosnay, Biographie de Blaise Cendrars et Biographie de Blaise Cendrars par sa fille Miriam.]

    On dit qu'à seize ans, en 1904, il fait une fugue, et comme d'autres vont à Vierzon ou à Bormes-les-Mimosas, qu'il monte dans le premier train rencontré et gagne tout simplement… Moscou ! On dit encore que de Moscou, il prend le Transsibérien et va jusqu'en Chine puis chasser l'éléphant en Afrique.

    Certes, la légende est belle. C'est cependant oublier que le jeune Frédéric-Louis Sauser (dit Freddy), né le 27 septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds (Suisse), n'a été envoyé qu'à dix-sept ans par son père chez un joaillier de Saint-Pétersbourg parce qu'il avait de mauvais résultats scolaires et qu'il ne traversa jamais la Russie. Le reste, c'est de la poésie et ça n'appartient qu'à ceux qui en rêvent.

    Dans Le Ventre de ma mère, un magnifique poème, l'accouchement finit par ses mots : Merde, je ne veux pas vivre ! On y sent la violence, la tension, la faim. Mais on ne sait pas encore que la mère du poète était dépressive; qu'il affirma garder un souvenir épouvantable de son séjour en elle; qu'il s'entendait mal avec son père; et qu'il ajouta sur le manuscrit, après ce dernier vers fameux qui semble le négatif de toute son œuvre, cette phrase méconnue : Hélas, ne parle pas qui veut.

    A l'issue de son séjour à Saint-Pétersbourg, Freddy Sauser commet son premier texte poétique La Légende de Novgorod. En 1908, il s'inscrit à l'Université de Berne, où il rencontre Féla Poznanska, une juive polonaise qui sera sa compagne de l'avant-guerre, puis sa femme et la mère de ses trois enfants.

    Il n'empêche ! Freddy Sauser éprouve très vite la sensation qu'il est de trop et l'envie de se sauver. Il se met en route. New York (1911), Paris (1912). Des années d'aventures et de misère au terme desquelles il écrit Pâques et opte pour un nouveau nom, comme pour une renaissance. Après les cendres, la braise. Blaise Cendrars : Je suis le premier de mon nom, puisque c'est moi qui l'ai inventé de toutes pièces.

    « L'écriture n'est ni un mensonge, ni un songe, mais de la réalité, et peut-être tout ce que nous pourrons jamais connaître de réel. »

    A Paris, Cendrars fréquente les peintres et les poètes de Montmartre et de Montparnasse. Apollinaire l'aidera à publier Pâques et la peintre impressionniste Sonia Delaunay illustre La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, un livre inouï, le premier livre simultané, peu reconnu à l'époque et considéré aujourd'hui comme un chef-d'œuvre : cet ouvrage extraordinaire occupe une place capitale dans le monde du livre moderne.




    La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France.
    Couleurs simultanées de Mme Delaunay-Terk.
    Paris, Editions des Hommes nouveaux, 1913.

    (Illustration extraite du catalogue 2003 de la Librairie Jean-Claude Vrain.)

    Au début de la Grande Guerre, Blaise Cendrars s'engage dans la Légion étrangère et y perd un bras. Désormais, il écrira de la main gauche, et durant plusieurs années n'aura en tête que deux mots, partir et écrire : le Brésil et L'Or, l'Amérique et Rhum. La Deuxième Guerre le laisse sans voix. Puis il retrouve une nouvelle période créatrice : L'Homme foudroyé, des mémoires sans être des mémoires, La Main coupée, effroyables souvenirs d'une autre guerre. Suivront Bourlinguer et Le lotissement du ciel.

    A la fin des années 1950, Blaise Cendrars connaît une certaine gloire :
    — Comme les cocus, je suis le dernier à y croire.

    Poète, reporter, écrivain, journaliste, romancier, bourlingueur, éditeur, cinéaste, voyageur... Blaise Cendrars aura beaucoup vu et beaucoup vécu. Il laisse une œuvre riche, au ton souvent vif, rapide, sans fioritures. Il exalte la vie avec une rare authenticité et une langue, audacieuse et novatrice, qui lui ressemble en tous points. Il célèbre le monde moderne naissant, avec ses machines à n'en plus finir, ses gares qu'il compare à des cathédrales et tous les visages anxieux ou étranges qu'il croise au cours d'un siècle qui découvre la vitesse et les grands espaces, dans un tumulte de révolutions et de guerres.

    On a souvent accusé Blaise Cendrars d'avoir imaginé et même menti. Ou d'avoir raconté sa vérité. Cela a-t-il vraiment son importance ? Il décède à Paris le 21 janvier 1961, sans lever tous les mystères qui planent sur sa vie et son œuvre. Et c'est tant mieux !

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