Ziliouk
Nouvelle

Les enquêtes du juge Froget ; [01]

  • Rédaction
    A bord de l'Ostrogoth, Stavoren (Pays-Bas), durant l'hiver 1929-1930.
    Selon les archives secrétariales et le livre de comptes de Simenon : durant hiver 1930-1931.


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Détective », n° 72 (énigme) et 74 (dénouement) des 13 et 27 mars 1930 (soit 2 livraisons), sous le pseudonyme de Georges Sim.


     



    Ziliouk, 1930.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In Les 13 coupables (Paris, A. Fayard, 1932).
    L'ouvrage est publié sous le patronyme de l'auteur.


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome VI.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 17.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 17.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Remarque(s)
    Ziliouk inaugure une série de treize nouvelles qui font l'objet d'un concours hebdomadaire, primé en espèces. Chaque nouvelle s'étend sur deux numéros : dans le premier sont posés tous les éléments de l'énigme ; dans le second, en quelques lignes, est donné son dénouement.

    En page 2 de l'hebdomadaire, on trouve les bandes publicitaires suivantes pour la publication de la première énigme (« Détective », n° 71 pour l'annonce de gauche ; « Détective », n° 72 pour celle de droite).


        Images plus grandes.


  • Intrigue
    Le juge d'instruction Froget date un peu. Maintes fois, on s'est demandé s'il n'était pas encore atteint par la limite, car il y avait un lustre qu'il paraissait soixante ans. Comme toujours, il semble se tenir dans une pose inconfortable : la tête penchée, une épaule plus haute que l'autre. Comme toujours, il est noir et blanc : le blanc de sa chair, de ses cheveux taillés à la Bressant, et de son linge empesé ; le noir de son complet rigide.

    Alors que la plupart des magistrats instructeurs accumulent les questions, s'attachent à étourdir les prévenus dont ils arrachent souvent de la sorte la phrase qui constitue un aveu. Il laisse, lui, au contraire, à son interlocuteur le temps de réfléchir, et même de trop réfléchir. Les silences qui durent plusieurs minutes, les questions quelques secondes à peine, constituent la méthode implacable du juge Froget.

    Face à Ziliouk, un adversaire de taille, nombreux sont ceux au Parquet de la Seine (Paris, France) qui pensaient que Froget allait enfin se casser le nez, ce qui n'était pas pour déplaire à tout le monde.

    Ziliouk est un aventurier d'envergure. Un juif hongrois, ou polonais, ou lituanien, ou letton, on ne savait pas au juste. Son âge aussi est une énigme : trente cinq ans, ou quarante, ou moins, ou davantage, on ne savait pas non plus. En revanche, sa spécialité, elle, est connue. Il fait du commerce et vend des denrées assez particulières : des documents diplomatiques.

    Ziliouk porte beau. Il est plus qu'élégant : presque somptueux. Il connaît des souverains, des chefs d'Etat et a pénétré dans la plupart des cercles diplomatiques. Polyglotte hors pair, il est capable de s'exprimer dans n'importe quelle langue. Quant à son identité, il en va comme de ses origines et de son âge. On ne sait pas trop : ils sont tous plus faux les uns que les autres. Il s'est fait appeler successivement Carlyle, Sunbeam, Smit, Keller, Lipton, Rochet. D'autres noms encore, sans doute.

    Dès son arrestation, Ziliouk s'est montré agressif : Il faudra bien que vous finissiez par me relâcher, et alors il vous en cuira ! Il est vrai que, jusque là, les tribunaux avaient toujours séché devant son cas.

    Depuis plus d'une heure, il est assis en face du juge Froget, qui n'a pas prononcé une parole. Le magistrat lit le dossier ouvert devant lui, comme s'il en découvrait le contenu. Il feuillette les nombreux rapports établis par la Brigade mobile. En tête de ces rapports, à l'envers, le prévenu peut déchiffrer : Affaire Ziliouk.

    Deux ou trois questions seront posées à Zilouk, sans qu'on puisse déterminer le sens de la démarche suivie par le juge. Au bout d'un moment, celui-ci change de dossier, celui de l'Affaire Stephen. Un dossier vieux de huit ans.

    Une femme avait été assassinée dans des circonstances assez troubles par son amant, un ouvrier polonais qui avait disparu tout de suite après le drame et dont on n'avait jamais retrouvé la trace. Son mari était contremaître dans une usine de produits chimiques et poursuivait des recherches intéressant la défense nationale. Des documents, entre autres la description d'un nouveau masque à gaz, avaient disparu à la même époque.

    Le juge Froget demande à Ziliouk où il se trouvait, voilà huit ans, au mois de juin. A Berlin, réplique celui-ci sans hésiter et en ajoutant : Je ne connais pas les Stephen.

    Et le juge de l'inculper d'homicide volontaire sur la personne de Mme Stephen. Ziliouk proteste de son innocence, du manque de preuve. Froget, lui, ne semble attacher aucun prix à sa victoire :

    — La preuve de votre culpabilité ? La voici : vous ne pouviez lire sur mon dossier que la mention Affaire Stephen. Or, vous m'avez dit : Je ne connais pas les Stephen. Ce pluriel est votre aveu.



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