M. Rodrigues
Nouvelle

Les enquêtes du juge Froget ; [02]

  • Rédaction
    A bord de l'Ostrogoth, Stavoren (Pays-Bas), durant l'hiver 1929-1930.
    Selon les archives secrétariales et le livre de comptes de Simenon : durant hiver 1930-1931.


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Détective », n° 73 (énigme) et 75 (dénouement) des 20 mars et 3 avril 1930 (soit 2 livraisons), sous le pseudonyme de Georges Sim.


     



    M. Rodrigues, 1930.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In Les 13 coupables (Paris, A. Fayard, 1932).
    L'ouvrage est publié sous le patronyme de l'auteur.


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome VI.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 17.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 17.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Remarque(s)
    M. Rodrigues est le deuxième volet d'une série de treize nouvelles qui font l'objet d'un concours hebdomadaire, primé en espèces. Chaque nouvelle s'étend sur deux numéros : dans le premier sont posés tous les éléments de l'énigme ; dans le second, en quelques lignes, est donné son dénouement.


  • Intrigue
    Un appartement de la rue Bonaparte (Paris, France), au sixième étage de l'immeuble, sous les toits. Cinq pièces avec plafonds en pente. Partout la même ambiance : profusion de tapis et de bibelots, divans dans tous les angles, tables basses, coussins jetés à même le sol… Quelque chose de raffiné et d'ignoble ; avec une odeur d'encens, de parfums rares, de crasse et de sueur humaine. Des livres traînent partout : rien que des œuvres de poètes, et des plus hermétiques.

    Le lieu est en harmonie avec le maître de céans, qui est grand et maigre, faisant penser tantôt à un aristocrate déchu, tantôt à un clown décati. M. Rodigues a cinquante-cinq ans et s'habille comme un adolescent. Il est poudré ; ses cheveux sont teints. Son aspect est répugnant. Une vieille coquette mâle, mélange de sénilité et de fausse jeunesse. Pourtant les rapports de police sont catégoriques : s'il reçoit surtout des jeunes gens — d'origine espagnole comme lui — on ne peut pas lui attribuer de mœurs spéciales. Et cela bien que M. Rodrigues ne cache pas son manque d'intérêt pour les femmes. Il passe pour riche et les jeunes gens qu'il invite s'adonnent, des nuits entières, autant à l'opium, qu'au champagne et à l'héroïne.

    La présence du juge d'instruction Froget dans cet appartement a quelque chose de gênant, presque indécent. Non loin de lui, M. Rodrigues complète cette atmosphère abracadabrante. Si le magistrat est là, c'est qu'il y a eu meurtre. Un jeune homme a été retrouvé dans la Seine, tué de trois coups de couteau. C'est le fils du duc et de la duchesse de S…, qui occupent une place des plus en vue à la cour d'Espagne.

    S…, qui désirait s'initier aux émotions de l'opium, a été l'invité de M. Rodrigues. C'est d'ailleurs sur lui que pèsent les soupçons. Le juge Froget réussit à confondre le coupable grâce au portrait — déchiré — en pied d'une femme nue qui se trouve dans la plus petite des pièces. Le portrait date de vingt ans. Or il y a vingt ans que M. Rodigues est établi à Paris, où il mène grand train sans qu'on lui connaisse la moindre activité professionnelle.

    Froget a identifié la belle femme rousse qui figure sur le portrait : il s'agit de la fille d'un haut fonctionnaire des Affaires étrangères où travaillait, à l'époque, M. Rodrigues en tant que simple commis. Par calcul — il espérait sans doute un mariage — il avait réussi à compromettre la jeune fille, dont le père parvient néanmoins à récupérer la photo gênante. M. Rodrigues doit renoncer à ses ambitions et, en échange d'une grosse somme d'argent, quitter l'Espagne.

    Il s'installe à Paris rue Bonaparte et fait faire un agrandissement du portrait devant lequel il se ronge pendant vingt ans. Jusqu'au jour où il apprend, par les journaux, que la jeune fille est devenue duchesse et qu'elle séjourne à Paris avec son mari et son fils. Pour se venger, il attire le jeune S… chez lui, l'enivre, et le met face au portrait de sa mère pour l'humilier. Il s'en suit une dispute, le portrait est déchiré, le jeune homme blessé, puis jeté dans la Seine.

    En faisant le tour de l'appartement, Froget a trouvé un revolver à crosse de nacre dans le tiroir d'un petit meuble. Il l'a laissé à sa place. Alors que le magistrat interroge M. Rodrigues sur le portrait de la petite chambre, lui montrant par ses questions et ses déductions qu'il a compris les raisons qui l'ont conduit à tuer le jeune S…, une détonation retentit enfin au fond de l'appartement.

    Froget pousse un petit soupire de satisfaction. Ne valait-il pas mieux, en effet, que M. Rodrigues se fasse justice lui-même ?



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