La nuit du pont Marie
Nouvelle

Les enquêtes du juge Froget ; [14]

  • Rédaction
    A bord de l'Ostrogoth, Stavoren (Pays-Bas), durant l'hiver 1928-1929 [ ? ].


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans le quotidien « L'Intransigeant » du 10 juin 1933 ; page 6 ; illustrations de Bécan.








      La nuit du Pont-Marie, 1933.
    Publication en préoriginale.


  • Edition originale
    In Œuvres complètes, tome VI (Lausanne, Editions Rencontre, 1967).


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 17.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Remarque(s)
    Il est vraisemblable que La nuit du pont Marie ait été rédigé en même temps que les treize autres nouvelles dans lesquelles intervient le juge d'instruction Froget. Elle n'a toutefois pas été retenue par l'auteur pour le concours hebdomadaire du journal « Détective », en mars 1930.

    La nuit du pont Marie n'a pas non plus été recueilli en volume dans Les 13 coupables (Paris, A. Fayard, 1932), ouvrage publié sous le patronyme de l'auteur, qui regroupe les treize enquêtes du juge Froget ayant fait l'objet du concours hebdomadaire de « Détective ».


  • Intrigue
    Le brouillard est si opaque qu'on ne devine les réverbères que un à un. Le long du quai d'Anjou (Paris, France), deux agents cyclistes marchent au milieu de la chaussée, en poussant leur vélo d'une main. Une femme se jette dans les bras de l'un d'eux en leur criant qu'elle vient de tuer un homme.

    Mais elle ne se souvient pas qui elle a tué, ni où elle a tué. Après un quart d'heure de recherches infructueuses, les deux agents décident de conduire la femme au poste. Là encore, elle répond aux questions avec égarement et répète avec obstination qu'elle a assassiné un homme, sans pouvoir donner plus de détails. Elle n'a sur elle aucun papier d'identité.

    On lui désigne un banc, sur lequel il y a déjà un ivrogne et une prostituée qui somnole près du poêle. L'inconnue s'étend. Elle porte une robe du soir d'une élégance raffinée et toute sa personne est extrêmement soignée. Sa silhouette est jeune et voluptueuse. En se couchant de travers sur le banc, elle dévoile jusqu'aux jarretelles une jambe vêtue de soie.

    Le matin, sa robe est fripée, ses traits tirés et ses cheveux tombent en désordre sur son visage, où il y a des traînées de fard. Pourtant, quand elle se lève, elle est pleine d'assurance et c'est en femme du monde qu'elle pénètre dans le bureau du commissaire. Elle lui décline son identité et lui présente des excuses. Son histoire est un canular, un pari fait à des amis dans un cabaret de Montparnasse. Tout en parlant, la jeune femme, désinvolte, remet de l'ordre dans sa toilette. Le commissaire observe à la dérobée son élégance redevenue capiteuse.

    Mme Elsen est Polonaise et son mari Autrichien. Les amis avec lesquels ils ont dîné sont des artistes. Parmi eux, il y a des Russes, des Américains, et même un ou deux Français. Sans doute était-elle un peu ivre lorsqu'elle paria qu'elle passerait la nuit dans un poste de police. Son mari, qui a cinquante ans, n'aime pas beaucoup s'amuser. Et surtout de cette façon. Aussi a-t-il essayé à plusieurs reprises de la faire rentrer. Mais sans succès. Alors il l'a laissée avec ses amis et a demandé à l'un deux, Cavallini — un jeune artiste de cinéma — de le raccompagner.

    Le problème est que, cette nuit là, il y a bien eu mort d'homme : c'est le corps de M. Elsen qui a été retiré de la Seine. Il a été poignardé en plein cœur avant d'être jeté à l'eau. Le décès remonte à trois heures du matin environ…

    Le juge Froget parle d'une voix monotone de professeur de mathématiques. Mme Elsen est assise en face de lui. Elle est accablée. C'est elle qui a eu l'idée du pari et de l'endroit, le pont Marie. Mais elle jure n'avoir pas tué. Bien sûr, elle est la maîtresse de Cavallini, qui lui a demandé de l'accompagner à Hollywood où il pense décrocher un grand rôle. Certes, elle se trouverait sans ressources en cas de divorce prononcé contre elle.

    Dans le couloir qui mène à son cabinet, toute la bande de la fameuse nuit est rangée sur un banc. Une concierge, une femme de chambre, le barman du Picratt's et un clochard les accompagnent. Mais le premier personnage que le greffier fait entrer dans le cabinet du juge Froget, c'est Pedro Cavallini qui a été arrêté chez lui, à neuf heures du matin.

    Selon Cavallini, M. Elsen lui a demandé de le raccompagner parce qu'il voulait lui parler. Depuis deux mois, il sait tout : l'infidélité de son épouse, son possible départ en Amérique ; mais aussi qu'il serait incapable de vivre sans elle. Et ce soir-là, l'occasion se présente de se venger. Non pas en tuant les amants, ce qui serait banal. Mais en se tuant lui, parce qu'il préfère les savoir en prison. Et il s'est frappé au cœur, avec un couteau. Cavallini l'a alors tiré dans la Seine. Mais pour cela, on l'a aidé.

    Froget demande qu'on fasse entrer le clochard. Il reconnaît formellement Cavallini. Couché dans un renfoncement, il a assisté à toute la scène et s'est approché de Cavallini au moment où il traînait le corps. Il lui a proposé un coup de main, réclamé cent francs et s'est payé sur le mort en lui prenant son portefeuille. Il a eu tort de boire et de se faire appréhender le lendemain.

    Mais sans lui, Mme Elsen et son amant ne seraient certainement pas sortis libres du cabinet du juge Froget.


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