Otto Müller
Nouvelle

Les enquêtes du juge Froget ; [12]

  • Rédaction
    A bord de l'Ostrogoth, Stavoren (Pays-Bas), durant l'hiver 1929-1930.
    Selon les archives secrétariales et le livre de comptes de Simenon : durant hiver 1930-1931.


  • Manuscrit
    [ ? ].


  • Publication d'une préoriginale
    Dans l'hebdomadaire « Détective », n° 83 (énigme) et 85 (dénouement) des 29 mai et 12 juin 1930 (soit 2 livraisons), sous le pseudonyme de Georges Sim.


     



    Otto Müller, 1930.
    Publication en préoriginale.



  • Edition originale
    In Les 13 coupables (Paris, A. Fayard, 1932).
    L'ouvrage est publié sous le patronyme de l'auteur.


  • Réédition(s) en français

    [En préparation].


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Œuvres complètes (Lausanne, Editions Rencontre, 1967-1973) - tome VI.
    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tome 17.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tome 17.


  • Traduction(s)
    Liste non exhaustive

    En allemand :
    [ ? ] : [ ? ].

    En anglais :
    [ ? ] : [ ? ] (première édition américaine).
    [ ? ] : [ ? ] (première édition anglaise).

    En italien :
    [ ? ] : [ ? ].


  • Remarque(s)
    Otto Müller est le douzième volet d'une série de treize nouvelles qui font l'objet d'un concours hebdomadaire, primé en espèces. Chaque nouvelle s'étend sur deux numéros : dans le premier sont posés tous les éléments de l'énigme ; dans le second, en quelques lignes, est donné son dénouement.


  • Intrigue
    Otto Müller, né à Wilhelmshaven (Allemagne) en 1889, est grand, le crâne rasé, les sourcils broussailleux et sombres, le regard dur. Il n'est pas gras, mais à voir ses vêtements qui flottent, on devine qu'il a beaucoup maigri ces derniers temps. Il porte une pelisse usée, un faux col en celluloïd et une cravate montée sur un appareil.

    Il est accusé d'avoir tué et volé un ancien condisciple de Wilhelmshaven, naturalisé depuis 1911, Helmut Karr. L'homme, un veuf d'une cinquantaine d'années, tient une petite affaire d'articles de bazar et de colportage rue d'Hauteville (Paris, France). Malgré ses piètres apparences et sa vie modeste, l'examen de ses livres de comptes conclut que son commerce était extrêmement prospère.

    Karr a été tué le soir du 27 novembre 1929, vers neuf heures et demie, dans sa boutique. Celle-ci a été complètement bouleversée : tiroirs béants, papiers éparpillés sur le comptoir et sur le sol. Le médecin légiste attribue le décès à un coup de casse-tête assené avec une rare précision, comme si l'assassin avait pris tout son temps. La mort, néanmoins, n'avait pas été instantanée : Karr avait encore vécu près de trois heures, incapable de faire un mouvement ou d'appeler à l'aide. Par ailleurs, un second coup a été donné à la tempe, après minuit, alors que le commerçant était déjà mort. Ce qui tend à montrer que l'assassin est revenu sur les lieux de son forfait.

    Le juge d'instruction Froget lit à Otto Müller les rapports établis sur son compte par la Polizei Praesidium d'Emden et de la Brigade des recherches de Paris. L'Allemand est arrivé à Paris le 9 novembre. Il tente vainement de vendre dix grammes de cocaïne, tente d'emprunter de l'argent à deux ou trois compatriotes, tente de s'embaucher comme interprète dans un grand hôtel, puis harcèle son ami Helmut Karr.

    Celui-ci lui prête quelques centaines de francs. La dernière fois la veille de sa mort, parce que Müller lui promet de prendre le premier train pour Emden et de le laisser tranquille. Ce qu'il n'a pas fait… Pourtant, il jure ne pas être le meurtrier de Karr.

    Dans la boutique de la victime, l'assassin n'a laissé aucune empreinte. Il n'a pas opéré avec des gants, mais il a pris soin d'essuyer tous les objets qu'il a touchés. Un coffret a disparu, mais une importante somme d'argent a été retrouvée dans le portefeuille de Karr, de sorte que le mobile du vol devient moins vraisemblable. Manifestement, le meurtrier a cherché à brouiller les pistes.

    Froget et Müller sont face à face. Après lui avoir demandé ce qu'il ferait s'il le remettait en liberté et entendu Müller répondre qu'il prendrait le train pour Emden, le juge désigne la cravate du prévenu. Un petit fil noir dépasse.

    — Qui a recousu votre cravate ?
    — C'est moi…
    — Vous savez coudre ? Et vous aviez des aiguilles, un dé, du fil dans votre chambre ?
    — Comme tout voyageur.
    — Donnez…

    Le teint de Müller, du coup, devient jaune. Ses yeux se brouillent. Il jette sa cravate sur le bureau de Froget et se prend la tête à deux mains. Entre deux épaisseurs de tissu, un billet de mille francs est cousu… Le juge comprend qu'il n'est pas utile de parler à l'homme écroulé devant lui ; il n'entendrait pas. Alors, paisiblement, il note dans son carnet :

    Müller prémédite son coup, pénètre chez Karr et le frappe. Il s'empare du coffret dont il cherche en vain la clé et s'enfuit avec. Le coffre résiste longtemps et Müller rate son train. Il s'affole, car il devine que l'employé de Karr l'accusera quand il découvrira le corps. Il lance le coffre dans la Seine et retourne rue d'Hauterive. Le corps de Karr est encore chaud. Müller craint qu'il vive encore et donne un second coup. Pour écarter les soupçons, il remet l'argent dans le portefeuille du mort, accroît le désordre dans la boutique, efface ses empreintes et s'en va. Crime crapuleux, perpétré par un individu médiocre, compliqué et orgueilleux.



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