Au pont des Arches
Roman humoristique

  • Pseudonyme
    Georges Sim.
    Liste des ouvrages publiés sous le même pseudonyme.



  • Rédaction
    Liège (Belgique), en septembre 1920.


  • Manuscrit
    Manuscrit autographe incomplet ; 28 feuillets (manque le premier feuillet du livre I) ; corrections de l'auteur assez nombreuses, surtout des suppressions.
    Conservation : Bibliothèque des Chiroux (Liège, Belgique) ; photocopie au Fonds Simenon (Liège, Belgique), qui possède le premier feuillet du livre I, recopié par l'auteur à Lakeville (Connecticut, U.S.A.) le 23 janvier 1953 pour compléter le manuscrit original où une page manquait.


  • Publication d'une préoriginale
    Aucune.


  • Edition originale
    Achevé d'imprimer : pas d'achevé d'imprimer [fin décembre 1920 ou début janvier 1921].
    Liège, Imprimerie Bénard ; 14 x 21 cm, 96 pages ; préface de l'auteur ; illustrations de Luc Lafnet, Jef Lambert, Ernest Forgeur et Joseph Coulon ; couverture illustrée par Luc Lafnet .
    Tirage : 1'500 exemplaires, non numérotés et non justifiés.
    Pas de grands papiers.


     

    Au pont des Arches, 1921.
    Edition originale.



  • Réédition(s) / Edition(s) collective(s) en français

    Première réédition :
    Achevé d'imprimer : 3ème trimestre 1975.
    Paris, Editions d'Aujourd'hui ; 20,5 x 13 cm, 93 pages ; illustrations de Luc Lafnet, Jef Lambert, Ernest Forgeur et Joseph Coulon.
    Collection « Les Introuvables ».
    Tirage : 400 exemplaires (impression en offset) d'après le fac-similé de l'édition de 1921.

    L'éditeur ayant obtenu un beau succès avec ce titre, il a procédé [deux ans plus tard ?] à un nouveau tirage (les exemplaires sont numérotés, mais non justifiés) sans avertir quiconque. La présententation de l'ouvrage est la même, mais son format est légèrement plus large (20,5 x 15 cm). L'achevé d'imprimer porte toujours la date du 3ème trimestre 1975. C'est la raison pour laquelle on trouve des ouvrages portant un numéro supérieur à 400.


      Au pont des Arches, 1975.
    Réédition.


    Deuxième réédition :
    Achevé d'imprimer : 1989.
    Paris, Editions d'Aujourd'hui ; 20 x 13 cm, 93 pages ; illustrations de Luc Lafnet, Jef Lambert, Ernest Forgeur et Joseph Coulon ; couverture illustrée par Luc Lafnet ; double emboîtage en cuir brun de l'éditeur.
    Tirage : 150 exemplaires (impression en offset sur vergé) d'après le fac-similé de l'édition de 1921, dont 50 exemplaires hors commerce marqués de I à L et 100 exemplaires numérotés de 1 à 100.

    Dans un dépliant publicitaire, l'éditeur annonce un tirage limité à 525 exemplaires sur papier Ingres et une sortie de l'ouvrage le 13 février 1989. Le tirage de tête prévoit 100 exemplaires numérotés de 1 à 100, reliés en cuir et revêtus de la signature cachetée de l'auteur (FB 6'000.-). Le tirage normal, numéroté de 101 à 525, est relié sous emboîtage papier Eléphant (FB 4'000.-).

    La réalité fut toutefois bien différente puisque la justification du tirage ne mentionne que 150 exemplaires. L'ouvrage est broché et présenté dans un double emboîtage de cuir brun (titre doré au dos). La reliure est donc abandonnée, ainsi que l'emboîtage papier Eléphant.

    Par ailleurs, l'éditeur ayant cessé ses activités peu après la sortie de l'ouvrage, les invendus - une cinquantaine d'exemplaires - n'ont pas pu être estampillés : ils ne comportent donc pas la signature-cachet (tampon) de l'auteur à la justification.

    On trouve des exemplaires numérotés à la main ou au moyen d'un tampon, ainsi que des exemplaires de l'éditeur, hors justification, à toutes marges et avec toutes les remarques techniques en vue du massicotage. Certains sont marqués S.P. (service de presse) et comportent la signature-cachet de l'auteur,


      Au pont des Arches, 1989.
    Réédition.


    Une carte postale en couleurs, illustrée par Yannelsdorf, a été tirée à l'occasion de cette réédition d'Au pont des Arches à 450 exemplaires, numérotés à la main de 1 à 450.


      Carte postale de Yannelsdorf, accompagnant la deuxième réédition d'Au pont des Arches, 1989.


    Edition(s) collective(s):


      Au pont des Arches, 1991.
    Réédition (Presses de la Cité).


      Au pont des Arches, 1991.
    Réédition (Presses de la Cité).


  • Remarque(s)
    Le roman porte un sous-titre : petit roman humoristique de mœurs liégeoises.

    Au pont des Arches est le premier roman de Simenon. C'est aussi sa première tentative littéraire (par opposition à ses écrits journalistiques et à ses contes galants) à être publiée.

    Au début de l'automne 1920, Simenon court vainement les éditeurs avec le manuscrit d'Au pont des Arches, mais personne ne veut croire à la veine romanesque du jeune journaliste de la « Gazette de Liège ». A la fin de l'été, l'imprimeur-éditeur Bénard consent à lui imprimer son livre à 1'500 exemplaires, pour autant que l'auteur trouve lui-même 300 souscripteurs avant de commencer le tirage. Opiniâtre, Simenon joue de ses connaissances et de ses amitiés pour y parvenir. L'auteur les ayant réunies au moment des fêtes, il pourra les offrir comme étrennes. C'est ainsi que sort de presse à fin décembre 1920 ou au début janvier 1921 sa première publication (écrite en septembre 1920 alors qu'il n'avait que dix-sept ans et demi), illustrée par quatre de ses compagnons de La Caque. La page de titre d'Au pont des Arches porte 1920 comme date d'impression. Sur certains exemplaires, le dernier chiffre de la date est surchargé manuellement tandis que le 2 et le 1 sont recomposés en caracatère plus gras sur la couverture. Ce qui semble indiquer que l'éditeur, soucieux de proposer un ouvrage neuf au début de l'année suivante, ait fait modifier la datation. Ainsi, début 1921, Au pont des Arches apparaissait non pas comme un ouvrage de l'année précédente, mais comme une nouveauté.

    Certains lecteurs ont dû s'amuser un peu plus que d'autres : aidés par les illustrations des peintres de La Caque appelés en renfort, ils ont reconnu dans les personnages de fiction les travers et les apparences de quelques proches de l'auteur. Celui-ci avouera, en 1945, avoir pris pour victimes ceux-là qui venaient de me tendre une main cordiale et indulgente. En particulier, il a croqué Joseph Demarteau, le directeur de la « Gazette de Liège », sous les traits du pharmacien inventeur de pilules purgatives pour pigeons : « Avec sa redingote noire et polie, sa barbiche grisâtre qui finit en pointe, mais commence un peu partout sur son visage, Joseph Planquet a un aspect vieillot. »

    En 1975, Simenon autorise Francis Lacassin à rééditer aux Editions d'aujourd'hui l'introuvable Au pont des Arches. L'histoire raconte qu'il n'en possédait d'ailleurs qu'un unique exemplaire, acquis vers 1950. Or, cette version des faits est fictive : c'est Claude Menguy qui prêta son exemplaire relié à l'imprimeur, qui en écrasa d'ailleurs copieusement le dos pour offsetter le volume... De là est né un tirage limité à 400 exemplaires, réalisé en fac-similé avec les illustrations. Pour se pardonner d'avoir donné la main à ce qu'il considérait comme une malhonnêteté intellectuelle, Simenon se disait que cette réimpression lui permettrait d'offrir un exemplaire de son premier livre à chacun de ses enfants.

    En 1991, les Presses de la Cité rééditent en un volume Au pont des Arches et Les ridicules !, auxquels est ajouté Jehan Pinaguet, un roman achevé le 6 avril 1921 et resté inédit jusque-là. Chacun de ces trois textes écrits par Simenon entre 1920 et 1921 apporte sa révélation pour retracer la genèse du talent de l'auteur.


  • Intrigue
    Un dimanche d'octobre brumeux et froid, la famille Planquet propriétaire de la Pharmacie du Pont des Arches s'apprête à accueillir, le soir même, l'oncle de Bruxelles Timoléon Planquet-Peperbroeck. Un homme d'affaires de cinquante ans qui envisage de passer le reste de ses jours à Liège, dans sa vieille maison natale. Pour cet homme habitué à la cuisine fine de la capitale, un menu spécial est concocté à partir des recettes de la Cuisine bourgeoise. Mais le repas est un véritable désastre.

    Joseph et Ursule Planquet voient avec plaisir le retour de Timoléon et montrent une grande déférence devant celui dont leurs enfants hériteront sans doute un jour. L'oncle occupe les deux plus belles chambres de la maison et réalise le rêve caressé durant sa vie professionnelle : passer ses journées au café. Le matin, l'apéritif ; l'après-midi le billard ; le soir, la partie de piquet.

    La vie des Planquet est réglée comme du papier musique. Tous les lundis soirs, ils reçoivent les Dujardin et leurs trois filles. Les parents taillent un whist en compagnie de l'oncle, Paul et sa sœur causent avec les demoiselles. Ce genre de distractions ne répond plus aux aspirations du jeune Paul, 20 ans. Il souhaite s'afficher avec une maîtresse et depuis deux ans, il attend l'occasion. Mais son argent de poche 20 francs chaque samedi ne lui permet pas de mener la grande vie. Un samedi soir, alors qu'il va au music-hall, il s'installe à côté d'une dame seule qui suce la paille d'un sirop de groseilles. D'abord, il penche pour la femme honnête qui attend son mari. Puis il s'aperçoit qu'une légère ligne de khol souligne les yeux et que le rouge des lèvres n'est pas naturel. Il pense alors qu'il n'a affaire qu'à une vulgaire grue. Cela ne l'empêche pas, à la fin du spectacle, de lui demander la permission de la raccompagner. Elle accepte. Un verre au Maxim et une nuit au Charlemagne marquent le début d'une belle aventure. Paul sait pourtant que Julia est une femme entretenue, dont il est l'amant de cœur et celui qui fait porter des cornes à l'autre, le bailleur de fonds. Pour que vivent ses amours avec Julia, Paul Planquet est obligé d'emprunter de l'argent et d'engager la montre en or de sa première communion.

    Cette idylle vaut à Paul une altercation avec sa mère, qui lui reproche de découcher et de fréquenter des sales femmes :

    Tu me dégoûtes, voilà !, finit-elle par lui asséner.

    Peu de temps après avoir loué une chambre à Julia dans les quartiers calmes et cossus avoisinants l'hôpital de Bavière, Paul se décide à rompre. Son besoin quotidien d'argent frais le conduit à vivre d'expédients et remplace l'exaltation des débuts. Pour retrouver les paisibles émotions d'antan, il rédige une lettre de rupture qu'il dépose dans la chambre de Julia en son absence. Son éducation sentimentale lui a coûté près de 220 francs et a duré quinze jours.

    Dans son élan, Paul annonce négligemment à sa famille qu'il en a fini une fois pour toutes avec la vie de bâton de chaise. Après le repas du soir, Timoléon l'invite au café. Paul lui raconte son aventure avec Julia et l'oncle lui remet 200 francs pour éponger ses dettes, à condition qu'il n'en parle pas à ses parents.

    Peu de temps après, c'est au tour de Jospeh Planquet d'être invité par son frère à l'accompagner pour sa sortie nocturne. Timoléon dit à son frère qu'il est fier de son intelligence n'est-il pas l'inventeur des fameuses pilules purgatives pour pigeons ? mais déplore son manque de sens pratique. Son invention majeure n'est pas mise en valeur : pas de réclame ni de publicité. Timoléon lui fait alors miroiter la fortune avec ses pilules et s'annonce prêt à lui donner un solide coup d'épaule. L'oncle a pensé à tout pour le lancement des pilules : la boutique séculaire subit huit jours de travaux et s'en trouve littéralement maquillée. Elle a même de l'orgueil et s'orne de couleurs et d'inscriptions comme la canaille achète un titre et un blason.

    Malgré les affiches les plus éclatantes et les articles les plus persuasifs, les pilules ne se vendent pas. Pis, les pharmaciens renvoient les tubes qu'ils ont en dépôt. La débâcle commence. La flamme qui pétillait dans les yeux de Timoléon et de son frère s'éteint. Ursule Planquet accuse Timoléon du désastre, qu'elle ne manque pas d'amplifier. L'oncle souffre et les reproches pleuvent de plus en plus drus. Les époux Planquet en viennent à se disputer. Pour ne pas briser un ménage uni, Timoléon préfère se retirer. Il quitte la maison et s'installe dans un appartement en face du Grand Théâtre. Il ne va plus au café et passe ses journées à lire, espérant que la belle littérature et la philosophie des grands auteurs atténueront sa peine.

    Durant deux mois, il cherche le moyen de réparer le mal qu'il se reproche d'avoir causé. Et il trouve ! Par l'intermédiaire de quelques hommes de paille, il commande autant de pilules que la pharmacie Planquet peut en fournir. Il achète aussi des injecteurs, des biberons, des pommades, des bandages, et entasse toutes ces choses chez lui. Timoléon renaît à la vie à mesure que son appartement s'encombre. Joseph Planquet s'émerveille d'une telle prospérité et Ursule commence à se repentir. Comme le stock de pilules est épuisé, elle propose de commander des boîtes plus luxueuses encore. Et l'oncle Timoléon retrouve le plaisir de savourer des plats exquis et des liqueurs fines...

    Ainsi finit l'histoire. Nul doute que le retour de Timoléon dans la vieille maison du pont des Arches ne soit rapidement apprécié.



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