Mes dictées
Série de récits à caractère autobiographique

  • En 1973, Simenon annonce publiquement qu'il n'écrira plus de roman : la préparation, la maturation et l'accomplissement lui en sont devenus insupportables. Il cesse aussi d'errer de châteaux en villas pour s'installer dans la petite maison rose de Lausanne (Vaud, Suisse) en compagnie de Teresa, la fidèle et dernière compagne.

    Il remplace la machine à écrire par un magnétophone. Sa curiosité insatiable, les voyages qu'il a effectués autour du monde, les grands personnages qu'il a rencontrés et fréquentés, des détails domestiques et des réflexions personnelles sur les problèmes éthiques, moraux et politiques de son temps alimentent les Dictées, confiées d'abord à l'enregistreur puis retranscrites et publiées aux Presses de la Cité (21 volumes).


  • Edition(s) collective(s) en français
    Liste non exhaustive

    In Tout Simenon (Paris, Presses de la Cité, 1988-1993) - tomes 26 et 27.
    In Tout Simenon (Paris, Omnibus, 2002-2004) - tomes 26 et 27.



  • Remarque(s)
    D'une manière générale, la critique ne s'est pas montrée tendre envers Simenon dès lors qu'il s'est mis à publier son journal, ses tranches de vie qu'il donne sous forme de dictées à son magnétophone et qui ont, ensuite, été scrupuleusement retranscrites par Joyce Aitken. A titre d'exemple, cette critique signée J. D. D., parue très vraisemblablement dans un quotidien belge [NDLR : le titre du journal et la date de publication manquent] :

    Ce journal oral, qui semble surtout destiné à maintenir l'esprit de son auteur en éveil, ne se lit pas, souvent, sans un certain agacement.

    Rien ne permettait de penser que ce romancier du précaire et du dérisoire avait un tel goût pour les idées générales et hâtives. Sous l'infatigable observateur de la pitoyable tragédie quotidienne sommeillait un philosophe naïf et sommaire, très imbu des jugements qu'il porte sur l'époque, la société, l'avenir de l'espèce. Ne vaudrait-il pas mieux, quand il aborde de telles questions, qu'il couche ses idées sur le papier, ne fût-ce que pour pouvoir les reconsidérer la tête froide et juger si elles méritent vraiment d'être livrées au public ?

    Peut-être est-ce là sa dernière revendication, celle d'avoir, quand le goût lui vient, droit à la bêtise ? N'empêche que l'effacement dans lequel il se complaît, la discrétion presque monacale de la vie qu'il mène aujourd'hui paraîtraient plus authentiques si des livres, parus avec la régularité des romans de jadis, n'en diffusaient l'écho à grands fracas.

    En renonçant à écrire des romans, Simenon décide de ne plus « se mettre instinctivement dans la peau des autres, [mais] dans la [s]ienne, peut-être pour la première fois depuis cinquante ans »
    [Simenon, in Un homme comme un autre]

    Jean-Baptiste Baronian [in « Magazine littéraire », n° 417 de février 2003] donne un éclairage différent sur ces vingt-et-une Dictées :

    On ne s'en est peut-être pas toujours rendu compte mais ce vaste corpus sacralise un type fort original de littérature : ni congessions genre Rousseau, ni mémoires genre Chateaubriand, ni journal genre les frères Goncourt, ni bloc-notes genre Mauriac, ni davantage chronique des jours qui passent et qui ne reviendront malheureusement plus genre Vialatte.

    Non, plutôt autobiographie sentimentale dans le plus grand désordre et sous la forme la plus libre et la moins charpentée : aveux - aveux sinistres et pipi-caca y compris -, ragots, potins, anecdotes frivoles, pensées éparses, souvenirs, cris et chuchotements, déclarations sentencieuses et mises au point brutales, commérages et bavardages. En vrac. Donc avec des répétitions et de nombreuses redites. Lesquelles sont en général des insistances volontaires, Simenon éprouvant sans cesse le besoin de se justifier, de légitimer ses multiples faits et gestes, à chaque époque de sa vie.

    Et d'expliquer les étapes de son incroyable itinéraire dans le monde populeux de la littérature et de rendre des comptes, alors même que personne ne lui en demande.

    Comme s'il craignait qu'on ne le comprenne pas, pas plus l'homme qu'il a été et qu'il est à présent que le romancier qu'il est devenu. Comme s'il avait toujours peur d'être perçu comme une bête curieuse, agacé sans doute, et on peut ici partager son agacement, d'entendre rabâcher à son propos, depuis la parution de ses premiers livres en 1931, les formules à l'emporte-pièce telles que le cas Simenon, le phénomène Simenon, l'énigme Simenon, le mystère Simenon et même le miracle Simenon. Comme si, en somme, il lui fallait coûte que coûte laisser une image de soi.

      Portrait de Simenon par [ ? ].
    In « Valeurs actuelles », n° 2'754
    du 17 septembre 1989.



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