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    Simenon.
Propos recueillis dans une plaquette publicitaire
des Presses de la Cité (sans date).



Histoire belge avec chute suisse
En cliquant sur l'icône foncée, vous obtenez des détails sur un ouvrage auquel il est largement fait référence :


Pierre Assouline (in Simenon - Paris, Gallimard, 1996 ; Collection « Folio ») ;
 
Alain Bertrand (in Georges Simenon - Lyon, La Manufacture, 1988) ;
 
Alain Bertrand(in Georges Simenon : de Maigret aux romans de la destinée - Liège, Editions du CEFAL, 1994) ;
 
Alain Bertrand (in Le nouveau dictionnaire des auteurs - Paris, Robert Laffont, 1994) ;
 
Jean-Christophe Camus (in Simenon avant Simenon - Bruxelles, Didier-Hatier, 1989) ;
 
Pierre Deleuse (in Les maîtres du roman policier - Paris, Bordas, 1991) ;
 
Pierre Deligny (in « Jalons chronobiographiques » - Paris, Presses de la Cité, 1993 ; Tout Simenon, tome 27) ;
 
Jacques Dubois (in Dictionnaire des littératures de langue française - Paris, Bordas, 1994) ;
 
Francis Lacassin (in La naissance de Maigret - Paris, Presses de la Cité, 1991) ;
 
Francis Lacassin (in La vraie naissance de Maigret - Monaco, Editions du Rocher, 1992) ;
 
Roger Stéphane (in Le dossier Simenon - Paris, Robert Laffont, 1961) ;
 
Henri Thyssens (in Bibliothèque Simenon - Liège, La Sirène, 1999) ;
 
Henri Thyssens (in Tout Simenon - Liège, La Sirène, 2003).

   

C'est en 1913, à l'âge de 26 ans, que le commissaire Maigret réalisa sa première enquête. Dix ans plus tôt, au 26, de la rue Léopold, à Liège, entre la place Saint-Lambert et le pont des Arches, naissait Georges Simenon. Le XXe siècle avait trois ans.

Trajectoire d'un écrivain qui se voulait un homme comme un autre, mais dont la destinée et la carrière littéraire sortent plutôt de l'ordinaire ! Car Simenon a bel et bien vécu sous le signe de l'excès. Il serait dès lors étonnant qu'il survive dans notre mémoire sous celui de la mesure… mais cela est une autre affaire.

1903 (vendredi 13 février)  
Dix minutes après minuit, naissance à Liège (Belgique) de Georges Joseph Christian Simenon. Fils de Désiré Joseph Hubert Simenon, 26 ans, comptable dans une compagnie d'assurances, et d'Henriette Marie Elise Brüll, 23 ans, sans profession (un an avant son mariage, qui date du 22 avril 1902, elle était vendeuse au rayon mercerie du grand magasin L'Innovation, à Liège).

Georges est le premier fils des époux Simenon. Henriette est superstitieuse et ce vendredi 13 lui semble de mauvaise augure. Aussi, à l'état civil de la Ville de Liège, et sur une fausse déclaration du père, l'acte de naissance porte-t-il que Georges Simenon est né le 12 février 1903, à 11 heures et demie du soir.

1906  
Naissance, à Liège également, de Christian François Maurice Joseph Simenon, frère de Georges.

Jusqu'en été 1908, Simenon fréquente l'Ecole Sainte Julienne des Sœurs de Notre-Dame, où sœur Adonie lui apprend à lire et à écrire dès l'âge de trois ans.

1908  
En septembre, Simenon entre à l'Institut Saint-André des Frères des écoles chrétiennes, où il fera - jusqu'en 1914 - ses six années d'école primaire.

1911
Simenon s'initie à la littérature en dévorant les grands auteurs russes : Tchekhov, Dostoïevski, Pouchkine, Gorki et Gogol. Il lit aussi Conrad, Dickens, Dumas, Balzac, Stevenson, Stendhal, Zola. Et plus tard, Melville, Hemingway, Faulkner.

1913
L'élève Simenon signe ses devoirs de français du pseudonyme Georges Sim et ses professeurs lui laissent le choix du sujet.

1914  
Simenon est inscrit en tant qu'externe à demi-tarif au collège jésuite Saint-Louis (66, quai de Longdoz, à Liège), dans l'idée d'embrasser la carrière sacerdotale. Sa sexualité précoce l'en dissuade cependant (première expérience à 12 ans et demi avec une grande fille de 15 ans, son premier amour).

1915  
Manifestant le désir de devenir officier, Simenon est inscrit - toujours comme externe à demi-tarif - au collège Saint-Servais, où il passera trois années scolaires.


  Simenon en 1918.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In Georges Simenon, d'Alain Bertrand (Lyon, La Manufacture, 1988).


1918  
Le 20 juin, Simenon quitte le collège Saint-Servais, sans avoir pu participer aux examens de fin d'année. Son père est victime d'une première angine de poitrine. Pour aider à subvenir aux besoins de sa famille, il renonce aux études et exerce divers petits boulots. Apprenti-pâtissier pendant une quinzaine de jours, puis commis de librairie. Le jeune Simenon est toutefois congédié quelques semaines plus tard, parce qu'il en savait plus long sur la littérature française que son patron.

1919  
Au début janvier, Simenon se présente à la « Gazette de Liège » où il demande un emploi comme journaliste. Joseph Demarteau, directeur et rédacteur en chef du quotidien est séduit par le culot de son jeune visiteur et l'engage après l'avoir mis à l'épreuve : un article sur le marché aux chevaux, paru le 7 janvier.

Avant de composer des billets d'humeur quotidiens sur des sujets variés et signés Monsieur le Coq (Hors du poulailler), Simenon commence par tenir la rubrique des chiens écrasés et des faits divers qu'il récolte chaque jour dans la tournée des commissariats. Et lorsque le titulaire d'autres rubriques est absent, il met la main à tout : reportages divers (explosions d'obus trouvés dans les champs), comptes rendus des vins d'honneur, banquets, congrès, conférences, petits ou grands procès, chronique des beaux mariages et des œuvres de bienfaisance, interviews de personnalités (le maréchal Foch), critiques de théâtre, de cirque et même d'opéra…

Le premier texte journalistique signé G. Sim date du 24 janvier et a pour titre Sensassionnel [sic !] défilé aux Terrasses. Le premier billet d'humeur signé Monsieur le Coq date, quant à lui, du 30 novembre. Simenon va vivre durant quatre ans l'expérience qu'il recommandera plus tard à tous les aspirants romanciers. Sa contribution à la « Gazette de Liège » est évaluée à environ 1'500 articles divers, plus d'une vingtaine de contes et 784 billets d'humeur.

1920
Le 14 mai, naissance, à Ottawa (Canada), de Denyse Ouimet, future seconde épouse de Simenon.

De 1920 à 1922, Simenon fréquente La Caque, un groupe de poètes, rapins et autres jeunes artistes. Ces Compagnons de l'Apocalypse se réunissent pour des beuveries (qu'ils nomment séances orgiaco-mystiques) dans un grenier situé derrière l'église Saint-Pholien, impasse de la Houpe.

Au cours du réveillon de la Saint-Sylvestre, Simenon rencontre Régine Renchon, artiste peintre, qu'il appellera « Tigy » et épousera en 1923. S'agissant de sa rencontre avec Régine, les dires de Simenon sont toutefois contredits par le registre de la salle de lecture de la bibliothèque des Chiroux, dans lequel leurs deux noms figurent l'un près de l'autre dès le 5 octobre 1918.

Dès l'automne, Simenon court les éditeurs avec un manuscrit sous le bras, mais personne ne semble croire à la veine romanesque du jeune reporter. A la fin de l'année, l'imprimeur-éditeur liégeois Bénard consent à lui imprimer son livre à 1'500 exemplaires, pour autant que l'auteur trouve lui-même 300 souscripteurs.

Opiniâtre, Simenon joue de ses connaissances et de ses amitiés pour y parvenir. C'est ainsi que sort de presse sa première publication, sous le pseudonyme de Georges Sim. Il s'agit d'un court roman humoristique de mœurs liégeoises, intitulé Au pont des Arches et illustré par quatre de ses compagnons de La Caque. L'ouvrage a été écrit en septembre 1920 : Simenon avait donc dix-sept ans et demi.

Publié au moment des fêtes de fin d'année (ou en janvier 1921 [ ? ]), Au pont des Arches, peut être considéré comme la première publication commerciale de Simenon.

1921  
En avril, Simenon termine un deuxième roman, Jehan Pinaguet, qui retsera toutefois inédit jusqu'en 1991.

En revanche, la troisième tentative littéraire de Simenon (par opposition à ses écrits journalistiques et à ses contes galants) voit le jour en novembre. Il s'agit d'une plaquette hors commerce au tirage confidentiel, Les ridicules ! En effet, les 24 et 25 novembre, Simenon compose et tire lui-même, sur une des presses de la « Gazette de Liège », quelques exemplaires (certains disent 12 ; d'autres estiment qu'il n'y en eu guère plus de 6), cette plaquette de 24 pages, dans laquelle il brosse un portrait vitriolé de quatre de ses compagnons de La Caque et qu'il dédie à sa fiancée (A ma Régine pour ses étrennes).

Le 28 novembre, mort à Liège, sur son lieu de travail, de Désiré Simenon, père de Georges, à l'âge de 44 ans.

De décembre 1921 à décembre 1922, devançant l'appel de sa classe, Simenon effectue son service militaire. D'abord un mois en Allemagne occupée, et le reste à la caserne de Lanciers, à Liège, ce qui lui permet de poursuivre sa carrière de journaliste à la « Gazette ».


  Simenon en 1922.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses de la Cité, 1990).


1922  
Le 2 mars, le suicide par pendaison du jeune peintre Joseph Kleine, sonne le glas de La Caque. Les oiseaux de nuit abandonnent le nid.

Simenon publie son dernier article dans la « Gazette de Liège » le 15 décembre. Il quitte ensuite sa ville natale et part à la conquête de Paris. Il est engagé comme garçon de courses à la Ligue des chefs de section et des anciens combattants, présidée par le journaliste d'extrême droite et écrivain Gustave Binet, dit Binet-Valmer.


 

Tigy (Régine Renchon).
Caricature non signée et non datée (Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In A la conquête de Tigy, lettres 1921-1924 (Paris, Julliard, 1995).



1923  
Le 24 mars, il épouse Régine Renchon (Tigy).

Un des bienfaiteurs de la Ligue des chefs de section, le marquis de Tracy demande à Binet-Valmer de lui procurer un secrétaire : l'écrivain lui propose un jeune Belge désormais surnommé le petit Sim. En mai, Simenon change donc de patron et entre au service du marquis de Tracy, l'un des hommes les plus riches de France. Il l'accompagne à travers tout le pays et apprend à connaître la petite noblesse, le monde des finances, le bon vin et les parties de chasse. Il séjourne entre autres à Paray-le-Frésil, près de Moulins, et dans la Loire, dont il s'inspirera pour situer les origines de Maigret.

De 1923 à 1932, il produit entre 1'000 et 1'100 contes écrits sous des pseudonymes, destinés au « Matin » (dont Colette est la directrice littéraire) ainsi qu'aux feuilles galantes - nous dirions aujourd'hui polissonnes - qui font fureur à l'époque : « Frou-Frou », « Paris-Plaisirs » (remarquable pour ses couvertures illutrées), « L'Humour », « Paris-Flirt » et « Sans-Gêne ».

Il compose également ses Fiches, relevés d'impressions acerbes sur des écrivains français (Léon Daudet, Maurice Barrès, Henri Duvernois, Paul Fort, Tristan Bernard et Claude Farrère sont ses cibles préférées).

1924
Au printemps, Simenon se sépare du marquis de Tracy et commence une nouvelle période de sa vie: celle des quelque 200 romans populaires composés pour les petites cousettes et les jeunes vendeuses. Le premier, Le roman d'une dactylo, est écrit en une matinée, à la terrasse d'un café, place Constantin-Pecqueur. Son objectif est de « gagner le plus d'argent possible en écrivant des livres faciles, puis [s]'installer et faire de la littérature ».

Ainsi, jusqu'en 1934, Simenon écrira sous différents pseudonymes des romans qui portent souvent un titre de pacotille et qui tiennent en trois catégories : le roman sentimental (avec ses personnages typés, ses intrigues à l'eau de rose où l'amour finit toujours par triompher des obstacles), le roman léger (teinté de grivoiserie et d'un humour plutôt leste) et le roman d'aventures (aux épisodes débridés et dont certains titres participent parfois d'une idéologie raciste).

Grâce à la vente d'un tableau de Tigy, Simenon et sa femme descendent sur la Côte d'azur et découvrent avec émerveillement l'île de Porquerolles (Var), où ils feront par la suite de nombreux séjours jusqu'en 1938.


  Simenon en 1925.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses de la Cité, 1990).


1925 (été)  
En vacances à Etretat, Simenon prend à son service, comme servante, la fille d'une famille de pêcheurs de Bénouville, Henriette Liberge (dite « Boule »), 20 ans à peine. Elle deviendra très vite servante-maîtresse. Engagée pour un an, elle restera toute une vie auprès de celui qu'elle appelle « mon petit monsieur joli » et sera pour lui la fidélité faite femme.

1926 (12 avril)
Naissance, en Italie, de Teresa Sburelin, future compagne des dernières années de Simenon.


  Simenon en 1927.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses de la Cité, 1990).


1927  
Le 14 janvier, Eugène Merle, directeur de « Paris-Matin » propose 50'000 francs à Simenon pour écrire en trois jours et trois nuits, enfermé devant le Moulin-Rouge dans une cage de verre et à la vue de tous, un roman « dont le sujet, le titre et les personnages auront été désignés par un référendum auprès des lecteurs ». La faillite du journal empêche la concrétisation de l'exploit… qui sera pourtant attesté par plusieurs articles de presse. Simenon y gagne les 50'000 francs d'à-valoir versés à la signature du contrat et, surtout, il commence à bâtir lui-même son propre mythe.

L'été marque la fin de la liaison torride et tumultueuse que Simenon entretenait avec Joséphine Baker. Un projet de « Joséphine Baker's Magazine » avait presque vu le jour, dont Georges Sim aurait été le rédacteur en chef et… le seul journaliste ! Simenon déclara plus tard qu'il avait tout rompu parce que lui-même encore inconnu, il avait eu « peur de devenir M. Baker ».

Inconnu peut-être, prolifique sans aucun doute ! Simenon, journaliste et auteur de romans populaires, comptera bientôt 6 éditeurs et écrira parfois 80 pages par jour. Il rédigera notamment à lui seul les numéros du « Merle rose », un hebdomadaire destiné aux lesbiennes.

1928  
Sur La Ginette, un ancien canot de sauvetage de 5,5 mètres de long muni d'un moteur 3CV, Simenon réalise pendant six mois un tour de France par les canaux et les rivières, accompagné par sa femme (Tigy), sa bonne (Boule) et son chien (Olaf). Ses reportages paraîtront dans un numéro spécial de « Vu » en juillet 1931 et de « Marianne » en 1937. Il pénètre ainsi dans l'âme du paysage et de la mentalité français, que le lecteur retrouvera à son tour dans son œuvre.Durant son périple fluvial, Simenon écrit force contes et romans populaires.

1929
A bord de l'Ostrogoth, un cotre de 10 mètres de long sur 4 de large, qu'il a fait construire par les chantiers maritimes de Fécamp, Simenon remonte la Seine jusqu'au square Vert-Galant à Paris, où le curé de Notre-Dame le baptise. Du printemps 1929 à fin 1931, ce bateau sera son habitation quasi permanente. Par la Meuse et par les canaux, il traverse la France, la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne où il sera refoulé, son capitaine étant soupçonné d'espionnage. Par le bateau régulier, Simenon gagne ensuite la Norvège. Puis il navigue au-delà du cercle polaire à bord d'un bateau de cabotage jusqu'à Kirkenes, en Laponie, près de la frontière soviétique.

Le 17 octobre, à Liège, mariage en secondes noces d'Henriette Brüll, la mère de Simenon, avec Joseph André, chef garde convoi aux Chemins de fer belges.

1930
Au printemps, Simenon écrit son tout premier roman sous patronyme, Pietr-le-Letton : ce sera le cinquième « Maigret » en librairie, mais le premier à être présenté au public, sous forme de feuilleton dans « Ric et Rac » (juillet-août).

Avec Maigret, qui deviendra son policier fétiche, Simenon entend délaisser ses pseudonymes et aborder ce qu'il appelle la semi-littérature.

Dès les années trente, Simenon lit Freud, Adler et Jung.

1931
En début d'année, à raison de 80 pages par jour, Simenon rédige les quelques romans populaires sous pseudonyme qu'il lui reste devoir à Fayard par contrat.

Les premières enquêtes de Maigret, publiées chez le même éditeur sous couverture photographique, sont lancées le 20 février par une opération publicitaire tapageuse (un Bal anthropométrique au cabaret la Boule blanche, rue Vavin à Montparnasse). Cet événement, auquel Simenon a convié le Tout-Paris, a pour but de promouvoir la sortie les deux premiers volumes de la série, Monsieur Gallet, décédé et Le pendu de Saint-Pholien.

Le succès est immédiat et très vite nourri par le rythme des parutions, par les traductions en une dizaine de langues et par les adaptations cinématographiques de Renoir, Tarride et Duvivier.
La période Fayard, considérée par certains comme l'âge d'or de « Maigret » comptera 19 enquêtes. En tout, l'éditeur publiera 31 ouvrages signés Simenon entre 1931 et 1934.

En décembre, Simenon vend l'Ostrogoth en et passe l'hiver 1931-1932 au cap d'Antibes, à la villa « Les Roches grises » , où il écrira quatre nouvelles enquêtes du commissaire Maigret.


  Simenon au début des années trente [ ? ].
Portrait non signé et non daté (Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In La naissance de Maigret, de Francis Lacassin
(Paris, Presses de la Cité, 1991).


1932  
En été, Simenon voyage en Afrique, pour le magazine « Voilà » .

1933
Au printemps, toujours pour « Voilà » , Simenon entreprend un vaste tour d'Europe qui l'amène en Allemagne (où il croise Hitler dans un ascenseur), dans les pays de l'Est, en U.R.R.S. et en Turquie.

Le 7 juin, Simenon rencontre Trotski à Prinkipio (l'île des Princes, dans la mer de Marmara). L'interview « Chez Trotsky [sic] » paraît dans « Paris-Soir » les 15 et 16 juin.

Le 18 octobre, Simenon entre chez l'éditeur Gallimard, auquel il donnera nombre de chefs-d'œuvre psychologiques comme Le locataire (1934), Les Pitard (1935), Les sœurs Lacroix (1938), Le bourgmestre de Furnes (1939), Les inconnus dans la maison (1940), Le voyageur de la Toussaint (1941), La veuve Couderc (1942) ou La vérité sur Bébé Donge (1942).

En tout, Gallimard publiera 57 ouvrages signés Simenon entre 1934 et 1947 (dont 6 « Maigret » et 45 romans dits de la destinée).

1934
Le 12 décembre, Simenon entreprend un tour du monde en 155 jours, qui s'achèvera le 15 mai 1935.


  Simenon en 1935.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses de la Cité, 1990).


1935  
André Thérive déclare, dans « Le Temps » , que « Les Pitard est un chef-d'œuvre à l'état pur » . C'est la première fois qu'un critique littéraire salue aussi chaudement la sortie d'un roman de Simenon. Cet article est réédité dans l'essai de critique littéraire consacré à l'auteur (Simenon ;
Lausanne, L'Age d'Homme, 1980 ; « Cistre essai », n° 10 ; pages 238-242).

En décembre, il refuse la naturalisation française que lui propose Léon Blum.

Ces trois années pleines de voyages et de reportages de toutes sortes (Afrique, 1932 ; Europe de l'Est, 1933 ; autour du monde, 1934-1935) inspireront à Simenon des romans exotiques comme Le coup de lune (1933), Les gens d'en face (1933), Le blanc à lunettes (1937) ou Touriste de bananes (1938).

A noter, qu'en plus de ses reportages, ce qui représente déjà une intense activité, Simenon aura trouvé le temps d'écrire 17 romans, dont 2 « Maigret ».

1936  
Pierre Cot, ministre de l'Intérieur, prévient Simenon qu'à la suite de ses reportages sur l'Afrique coloniale, il lui sera désormais refusé tout visa pour cette destination.

1937
Simenon appartient au Tout-Paris. Il a une table chez Maxim's et prend tous les soir l'apéritif à la terrasse du Fouquet's où il rencontre Raimu, Pagnol, Arletty, Simon, Fernandel…

1938  
Simenon s'installe en Vendée, où il reste durant toute la Seconde Guerre mondiale, période tragique dont on ne trouvera que peu de traces dans son œuvre puisque seuls deux romans, Le clan des Ostandais (publié en 1947) et Le train (publié en 1961), s'y référeront.

Le 31 décembre, il reçoit une première lettre d'André Gide, qui sera l'un de ses plus fervents admirateurs. Cette correspondance se poursuivra jusqu'en 1950 (56 lettres inventoriées).

1939 (19 avril)
Naissance, à Uccle-lez-Bruxelles, de Marc Jean Chrétien Simenon, fils de Georges et de Tigy. Son parrain est le professeur Lucien Pautrier de Strasbourg ; sa marraine Edwige de Vlaminck, fille du peintre.

1940
En mai, la mobilisation générale est décrétée en Belgique. Simenon est nommé haut commissaire aux réfugiés belges pour le département de Charente-Inférieure. Durant cette mission, qui durera trois mois, il sera la cheville ouvrière d'une opération de sauvetage de quelque 18'000 compatriotes.

1942  
Simenon est accusé d'avoir des origines juives par le commissariat aux affaires juives. Il sera sauvé par sa mère, qui lui fait parvenir les documents généalogiques nécessaires.

1943
Simenon vend tous ses manuscrits aux enchères pour venir en aide aux réfugiés de guerre.

1944  
En convalescence durant l'automne et l'hiver aux Sables-d'Olonne à la suite d'une pleurésie, Simenon relit tout Balzac, tout Zola, tout Proust, ainsi que la Bible et les Evangiles.


  Simenon en 1945.
Portrait non signé (Fonds Simenon, Liège, Belgique).
In Simenon, de Stanley Eskin (Paris, Presses de la Cité, 1990).


1945  
Simenon rompt avec Gallimard au profit des jeunes Presses de la Cité, fondées par Sven Nielsen, avec lequel il entretiendra une solide amitié.

Aux Presses de la Cité, Simenon donnera 141 titres (dont 50 « Maigret » , 60 romans dits de la destinée).

Durant l'été, sur un banc de la place des Vosges, brève rencontre entre Simenon et son frère Christian, gravement compromis dans la collaboration depuis 1941 et qui vient d'être condamné à mort par contumace par le Conseil de guerre de Charleroi. A ce frère traqué, Simenon conseille de s'engager dans la Légion étrangère, ce qu'il fait sous le nom de Christian Renaud.

Le 5 octobre, Simenon arrive à New York avec Tigy et Marc (Boule ne pourra les rejoindre que plus tard).

Le 5 novembre, il rencontre Denyse Ouimet, qu'il engage en qualité de secrétaire bilingue. Elle sera aussitôt sa maîtresse (Simenon découvre le grand amour) et deviendra en 1950 sa seconde femme et la mère de trois de ses quatre enfants.

Jusqu'en 1955, Simenon séjournera aux Etats-Unis qui serviront de cadre à plusieurs romans, tels Trois chambres à Manhattan (1946, inspiré par la rencontre avec Denyse Ouimet et qui sera tiré à 525'000 exemplaires rien qu'en français), Feux rouges (1953) ou L'horloger d'Everton (1954).



Deuxième partie : de 1946 à nos jours